mercredi 13 octobre 2010

The social network - David Fincher

The social network est l'illustration par David Fincher, sans joie ni intuition, d'un fait divers d'une banalité confondante. Quelque part entre le spot de pub version longue pour une humanité propre, obséquieuse, procédurière et vulgaire, et le reportage in extenso sur un phénomène de société. Le cinéaste mime la spirale obsessionnelle par l'excès de vitesse, l'accumulation névrotique d'informations scénaristiques, et le cloche-pieds entre les temporalités du récit. Il n'y a pas une seconde de The social network qui ne soit saturée, pas une seconde de doute, de frémissement, ni de grâce - ça n'est même pas visé. La seule alternative à ce récit huilé version regarde-papa-sans-les-mains, mis en scène avec la distance appliquée des cinéastes auxquels on a bien dit de ne jamais prendre parti, c'est, on s'en doute, l'émotion, ou plutôt l'émotivité larvée derrière chaque personnage génie-froid-ou-coeur-blessé. Mais faire du cinéma pour ça ? Je ne vois pas.
D'autant plus désagréable qu'on voudrait nous faire passer cette chose lisse et molle pour la conséquence inéluctable d'un phénomène de société de très grande ampleur. Le problème est que ce 'phénomène', ainsi narré, ne dit rien du monde dont il prétend être l'emblème (la reconstitution historique est aussi sérieuse, mais moins costumée, que les fresques les plus pompières - la Naissance d'une nation de Griffith passe presque pour un sketch de Laurel et Hardy, à côté du Social Network de Fincher). Il n'en dit rien, car il n'est autre que ce monde, le suit, s'y conforme, s'y vautre. Rien n'excède, donc rien n'est dit.
En ce sens, c'est un film idéologique, qui pense ne pas l'être, mais qui est pris dans la toile de l'idéologie qu'il décrit.
Idéologique d'abord au sens de participatif : Fincher illustre un mythe qui existe déjà. Il ne crée rien. L'art n'est donc qu'une manière de servir le réel.
Idéologique encore, parce que la très légère critique, par l'émotivité larvée, du système mis en place, est noyée sous un cinéma de la fascination, presque caméléon avec ce qu'il filme.
Idéologique enfin parce que le double-fond du personnage principal n'est autre que la justification appliquée à la lettre de l'idéologie décrite. Nous serions des individus narcissiques, manquant d'amour et de reconnaissance, parfois lâches, souvent faibles, et faisant de nos faiblesses une force. Ce discours n'échappe en rien aux dramaturgies capitalistes classiques. Ce sont donc deux mêmes discours qui viennent se superposer et se mordre la queue. The Social Network est un film à repli, certes, mais sans ailleurs.

3 commentaires:

Griffe a dit…

C’est tout simplement le commentaire le plus juste que j’ai pu lire jusqu'ici sur ce très mauvais film. Je vous en remercie.

asketoner a dit…

Très mauvais, oui. Mais très efficace aussi. Car il entraîne énormément de monde dans sa vacuité miroitante. Enormément de monde qui pense être tout le monde. C'est un film qui exclut, me semble-t-il.

D&D a dit…

Vu ce soir. Impression d'être une oie gavée pendant 1h55, dont la tête aura été finalement été tranchée lors d'un "dénouement" putassier à souhait.
Je ne comprends pas le délire collectif sur les qualités du scénarios qui n'excèdent pas à mes yeux une certaine virtuosité des dialogues.
Bref, un moment fatiguant et insultant in fine, et me voici de nouveau sur ce film, entièrement d'accord avec ce que vous écrivez.
Idéologiquement, c'est une des propositions les plus abjectes que j'ai vues cette année, et le film n'est presque qu'idéologie. Il n'a d'ailleurs presque rien d'un film, mais bel et bien tout d'un produit. Fincher n'a rien à vendre, au fond, que sa fascination "nouveau riche".
Epuisant.