dimanche 17 octobre 2010

Milk - Süt - Semih Kaplanoglu

Tourné deux ans avant Miel, ce sont les mêmes personnages, dix ans plus tard. Le père est mort, donc. Le fils vit seul avec sa mère. Ils ont quitté la montagne, ils vivent aux abords d'une grande ville, et vendent du fromage et du lait. Ils font ensemble les marchés avec leur side-car rouge. Le garçon, qui avait tant de mal à lire les poèmes à l'école, en écrit aujourd'hui, en envoie à des revues, en partage avec ses amis. Rien n'est perdu de la douceur de l'enfance, tout est encore là, dans quelques gestes, dans les silences qui ne sont pas pleins de non-dits, dans les rapports installés du fils et de sa mère. Mais il y a une soif, l'envie d'une autre vie. La menace ne vient plus d'une résolution tragique, mais bien de l'intérieur. On ne cesse de pressentir la fin de ce temps.
Si Miel était un conte, à la trame narrative très fine, centré sur quelques personnages, et directement merveilleux, Milk garde le merveilleux en lui, se confronte au réel, et étend ses possibles. Le cinéma de Semih Kaplanoglu, c'est un cinéma de la perception. On regarde un jeune homme regarder le monde et se choisir une vie, on regarde une femme encore belle réapprendre le désir. Et si ces désirs et ces choix sont suivis, alors le monde se transforme en espace poétique - surgissent alors serpent, poisson, jeune fille, courrier tant attendu.
Milk est le récit d'une initiation - il s'ouvre sur un rituel magique, où une femme pendue par les pieds au-dessus d'une marmite bouillante recrache un serpent. Les figures tutélaires traversent le film : le magicien, le professeur. Mais les semblables aussi : une première jeune fille, une autre, un ami qui travaille dans une mine. Le regard que porte le jeune homme sur son ami est particulièrement fort - il tapera pour lui, sur sa machine à écrire, les poèmes qu'il écrit ; il trouve ses poèmes beaux ; il remarque ses pieds couverts de boue. Quelque chose se dit là, d'un être les pieds dans la terre, et la tête pleine de lumière. C'est aussi le dernier plan du film, où le jeune homme fixe la caméra, une lampe allumée autour de son front. Il éblouit le plan. Il a comme un soleil à l'intérieur.
Il est plutôt curieux de voir un réalisateur remonter le temps. Après deux films (je n'ai pas vu Yumurta, mais il semble bien être la première partie d'une trilogie autobiographique à rebours), Kaplanoglu a rattrapé l'enfance. Je me demande ce qu'il dira après - je suis curieux de le savoir.

2 commentaires:

FredMJG a dit…

Oui oui oui il faut voir Yumurta. C'est un film magnifique.

asketoner a dit…

la semaine prochaine, avec un peu de chance, il passera encore dans un ciné