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Qu'est-ce qu'on voit ? Quelle réalité ? Celle que la pièce de théâtre travaille à sa façon outrancière, physique ? Celle d'une représentation spéciale, celle de comédiens, celle d'un théâtre nouveau en train de se faire ? Celle d'un cinéaste circulant dans un espace trop étroit pour le cinéma, et faisant d'une prise de son ratée un espace déréalisant ? Tout cela à la fois.
The brig fait sensation. Dans tous les sens du terme. C'est un scandale, c'est un événement, et c'est peut-être la dernière chance pour Mekas de documenter ce moment (une partie des décors a déjà été démontée). Mais The brig fait sensation aussi dans le sens où il travaille la sensation comme matière aux multiples possibles : le son, distordu, parfois doublé, conjoint à ces corps montés sur ressort et filmés sans possible recul, crée une gêne, une ivresse, un trop. Quelque chose déborde. Ce que nous voyons n'est pas exactement ce que nous percevons. Il y a une proximité presque insoutenable avec la violence, et en même temps une distance (un rire). Il y a une précision dans la description de ce théâtre révolutionnaire, et en même temps un manque. C'est une vision. Ca ne peut être que ça, le cinéma, une vision. Et je crois comprendre que c'est le grand propos de Jonas Mekas : la subjectivité. Nous ne voyons rien, nous voyons quelqu'un voir. Nous n'avons pas l'illusion d'assister. Et pourtant, nous sommes tour à tour terrifiés (les coups portés sont-ils bien calculés pour ne pas blesser ?) et hilares. Ce chaos construit et codifié a quelque chose de si désespérant qu'il en devient comique.
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