La formule du film est une belle idée - elle le serait davantage encore si le film était sorti en 1927, à l'avènement du cinéma parlant : un presque-roi bègue s'apprête à prononcer un discours qui légitimera ou non son statut.
Pour un premier film parlant, ça aurait été quelque chose de splendide, car vraiment la parole est le seul spectacle du film, son seul événement. Le suspense tient à cela : le roi prononcera-t-il son discours en entier, ou bien trébuchera-t-il sur un mot, condamnant ainsi le cinéma à un retour à ses origines ? C'est de la légitimité de la parole au cinéma qu'il est question ici.
L'émotion qui vient est plutôt revigorante, et tient à notre empathie pour un personnage surmontant ses peurs, venant à bout d'une profonde blessure, sans que celle-ci soit trop lourdement désignée (on comprend bien l'ombre du père planant sur le bégaiement du fils, mais il n'y a pas de scène traumatique primitive, et en cela le film reste assez pudique et bien vu).
Bien sûr, les acteurs grimacent à la recherche d'un prix (on en vient à regretter que ce film ne soit pas seulement diffusé à la radio), la musique les soutient dans leurs efforts permanents, et les séances d'orthophonie sont compilées façon clip, évitant au cinéaste de signer un essai trop radical sur le langage et sa formation.
Malgré cela, cette figure de roi bègue trouvant sa gloire dans l'annonce de l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne est une critique très ironique : quoi de plus drôle qu'un personnage soulevant une montagne pour participer à l'Histoire, alors que celle-ci se fera de toute façon, même sans lui ? Quoi de plus ambigu que ce happy-end final, cette apothéose personnelle au seuil d'une série de défaites et de massacres ?
A l'inverse du Black Swan, reposant sur le même show must go on du cinéma spectaculaire, le principe n'est pas adoubé ni redoublé, mais au contraire perverti. La facticité de ce genre de cinéma sert le propos qui consiste en la dénonciation de la facticité d'une figure.
Qui plus est, l'émotion qui nous submerge n'a rien d'écrasant, et le lien qui unit le personnage principal à sa figure tutélaire est absolument respectable : une amitié peut changer une vie, nous dit ce gentil film. Parmi toutes les machines à faire pleurer sorties en ce début d'année, celle-ci me semble être la plus aimable.
mardi 1 mars 2011
Le discours d'un roi - Tom Hooper - The King's speech
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2 commentaires:
Quel carton final : "ils restèrent amis toute leur vie" ... Un gentil film oui.
Bah... c'est un conte de fées avec des sexes d'homme.
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