dimanche 13 mars 2011

Courts-métrages de Chris Marker #1 : 2084, Pictures at an exhibition, On vous parle de Paris, Les statues meurent aussi, Ambassade, Puisqu'on vous dit

2084 (1984)

Réflexion sur la fin du syndicalisme et son échec. A la question qu'est-ce que je dois faire ?, les syndicats répondent : confiance. Soit un appel à l'indignation, où le monde occidental aurait pour seule chance de se réveiller l'utilisation de la technologie (laquelle est l'alliance d'une technique et d'une idéologie). Chris Marker prône les lendemains qui informatisent.

Pictures at an exhibition (2008)

Visite virtuelle d'un musée imaginaire, où l'on croise des toiles célèbres détournées par le virtuel : Déjeûner sur le web, L'entrée du train en gare des Sabines, King Kong et Psyché, Nu descendant l'Histoire, Oedipe dans le Cheshire.
Ces visites virtuelles sont désormais entrées dans le domaine du commun. Tout le monde peut visiter le Louvre avec un cd-rom. Marker emprunte ce lieu commun, mais l'habite avec l'imaginaire. Si la visite est virtuelle, pourquoi le musée ne le serait pas ? Le cinéaste nous rappelle qu'un musée est nécessairement l'oeuvre de l'imaginaire, et que les visites virtuelles font passer cet imaginaire pour un réalisme.

On vous parle de Paris : Maspero, les mots ont un sens (1970)

Portrait d'un libraire/éditeur de livres sur la révolution chez qui voler des livres était devenu l'acte révolutionnaire ultime.
Maspero explique qu'un éditeur se définit surtout par les livres qu'il n'a pas sortis. Il amorce aussi quelques réflexions sur l'édition de livres marxistes dans une société capitaliste, et avance l'idée suivante : il faut trahir la bourgeoisie en utilisant ses propres armes, et si on est toujours récupéré par la bourgeoisie, il faut sans cesse s'ingénier à la trahir.

Les statues meurent aussi, avec Alain Resnais (1953)

Chaque image de ce film est soumise à un examen critique d'une pertinence folle.
Les deux cinéastes se sont vraiment posé la question : comment filmer l'art, quand l'art est devenu la culture, et que la culture est synonyme de mort ?

Ambassade (1973)

Filmé en super8 dans une ambassade, présenté comme un documentaire, on y voit des personnes venues se réfugier après un coup d'état militaro-bourgeois-fasciste.
De la ville assiégée, nous ne voyons que ce lieu. De l'Histoire, nous ne voyons que les réfugiés. Ils jouent aux cartes, ils chantent, ils discutent, ils dorment, ils font à manger, ils s'organisent en attendant une suite à leur destin. Ils ne font donc rien, mais par le rien qu'ils sont contraints à faire, ils nous laissent entendre ce qu'il se passe de terrible au-dehors.
En super8, il n'y a pas de son direct, mais le filmeur couvre l'action (ou l'absence de) par des commentaires. Il dit ce que les gens disent, révèle ce que sa caméra ne saisit pas.
Un dernier plan dénonce le caractère fictionnel de ce film soi-disant trouvé : par la fenêtre, la tour Eiffel - on est à Paris.
C'est une belle tentative de film d'anticipation, qui contourne le problème du huis-clos, souvent théâtral, par l'absence de son direct.

Puisqu'on vous dit que c'est possible (1973)

Documentaire sur les LIP, raconté comme une séquence des Evangiles, avec de nombreuses allusions bibliques, et une ouverture sur la figure de Charlton Heston dans Les dix commandements. L'avènement d'un être à la politique apparaît comme une révélation religieuse.
Ce qui est sidérant, c'est de voir, en cette situation de crise, de danger, les visages radieux des travailleurs, leur joie - leur joie parce que tout est pensé, réinventé, réinvesti par la pensée, le dialogue et l'action.
LIP, et quelques autres mouvements sociaux (les films Medvedkine), c'est à ma connaissance la seule occurrence de l'accent jurassien au cinéma.

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