mercredi 2 mars 2011

127 heures - Danny Boyle - 127 hours

Où Danny Boyle apparaît comme un maniaco-dépressif qui ne connaîtrait pas de phases dépressives.
Avec une histoire que seuls Robert Bresson ou Chantal Akerman ou un vrai cinéaste extrémiste auraient pu traiter (un homme bloqué au fond d'un canyon, le bras coincé, pendant 127 heures), Danny Boyle parvient quand même à faire un clip (c'est son extrémisme à lui), une longue publicité d'une heure trente qui ne vendrait au final rien d'autre qu'elle-même.
C'est cette gratuité qui m'amuse, et qui permet au film de rejoindre une catégorie cinématographique plutôt joyeuse : le nanar. Danny Boyle a mille idées à la seconde, et aucune n'est bonne. Accélérés, ralentis, plans à l'intérieur d'une paille (!), split-screens, séquences rêvées, séquences fantasmées, flashbacks, hallucinations, saccades : tout rate, le temps ne passe jamais par aucun des plans, et l'on n'a droit qu'à l'excitation d'un cinéaste raté qui se démène pour ne pas nous ennuyer. La surenchère est telle que le film devient hilarant.
L'histoire confine à l'idiotie. On aurait tendance à penser qu'un homme qui va mourir émet quelques pensées profondes. Chez Danny Boyle, non. Chez Danny Boyle, quand on va mourir, on pense à Scoubidou. Seule preuve de la maturité que l'approche de la mort confère à l'être humain : le héros renonce à se branler devant la photo d'une belle paire de nichons. Cela dit, rien ne prouve que la raison de cet empêchement soit une quelconque maturité. C'est peut-être tout simplement parce que la main qu'il lui reste de libre n'est pas la main avec laquelle il se branle d'ordinaire (et à quoi bon changer ses habitudes quand on sait qu'on va mourir ?).
James Franco est l'anti-Isabelle Huppert, au point que ça en devient déconcertant. Il ne joue pas du tout la douleur. Un rocher vient de lui écraser la main et de briser son bras, et à aucun moment il ne signifie qu'il a mal. Quand on imagine ce qu'aurait fait Huppert d'un tel rôle, on est déjà angoissé. Cette désinvolture manifeste de l'acteur principal donne au film une distance incroyable.
La plus belle scène tient à peu de choses : James Franco boit les dernières gouttes de sa gourde, Danny Boyle enfouit sa caméra au fond de la gourde, et filme la langue de Franco passant à travers l'orifice. Le film ressemble à ça : un cunnilingus dans une chaussette, un effort musculaire sans conséquence, ou la parade nuptiale d'un pigeon enfermé seul dans un grenier.
J'aimerais être Danny Boyle trois ou quatre jours par an. Tout me satisferait. Je ne me poserais aucune question. Aucun autre film, aucun livre, aucune pensée ne me sembleraient écrasants. Je pourrais tout faire et je ferais n'importe quoi. Ce serait le bonheur, ce serait la cocaïne, et j'aurais l'impression d'avoir créé mon temps tout en m'y sentant particulièrement adapté.

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