mardi 18 janvier 2011

Stretch - Charles de Meaux & Bas-fonds - Isild Le Besco

C'est le même principe que Shimkent Hotel : un homme découvre un monde immense et inconnu, duquel il ne se doutait pas, à travers une minuscule lucarne. Ainsi l'Orient est-il perçu dans Stretch à travers l'univers du sport hippique - quand dans Shimkent Hotel, ce même Orient se révélait dans un voyage, à la frontière du Kazakhstan, à la vision d'une usine désaffectée grande comme une cathédrale. Mais le premier film de Charles de Meaux mêlait documentaire et fiction, et sa naïveté avait quelque chose de saisissant, tandis que dans Stretch tout est écrit, scénarisé, étudié à l'avance, et cela marche moins bien. Le documentaire, c'est-à-dire la réalité, est d'ailleurs venu frapper à la porte de cette fiction qui a pour thème le destin, quand l'un de ses acteurs, David Carradine, est mort après quelques jours de tournage. Il manquait quelque chose. Il manquait une attention à l'instant que Charles de Meaux n'a pas vraiment su saisir.
Un problème parmi d'autres, cette ligne de dialogue : "c'est très dépaysageant". Oui, le héros vient sans doute d'un milieu modeste et n'a certainement pas fait beaucoup d'études. Mais pourquoi le dialogue est-il là pour le souligner ? Cela vient enfermer l'histoire, plutôt belle, dans une sur-signifiance sociologique inutile et sonnant faux.
Car l'histoire est belle. C'est un conte faustien, une méditation sur le destin, quelque chose de très mystérieux, presque insaisissable. On pense à Manoel de Oliveira - on pense aussi à Apichatpong Weerasethakul, évidemment. Charles de Meaux a tenté de parler de ce qu'est devenu aujourd'hui le rêve américain, de la manière dont il s'est déplacé vers l'Est, dont Macao a supplanté Las Vegas. Tout cela existe dans le film, porté par le talent du cinéaste pour l'espace, les couleurs et l'étrangeté. La mise en scène et l'écriture de Charles de Meaux flirtent sans cesse avec le ridicule. Elles y tombent parfois, mais parfois éblouissent avec rien. Ce qu'on sent surtout, et cela s'incarne particulièrement dans le choix de l'acteur (?) Nicolas Cazalé comme figure principale du film, c'est une mollesse, une paresse, une tendance à se regarder filmer. On se dit que tout ça aurait pu être autrement plus puissant.
La presse n'est d'ailleurs pas tendre avec lui, quand elle couvre de louanges le petit défilé de mode avec vomi sur les seins et sang sur la culotte du dernier film d'Isild Le Besco. Celle-ci achève avec Bas-fonds (de tiroir, de culotte, de commerce, de soutien) une trilogie sur le langage, dit-elle, où aucune de ses trois actrices n'articule. Rien ne vit, tout est toc, le point de vue sur la misère condescendant, l'hypothèse religieuse atterrante, la piste cruelle téléphonée, les fondus au noir insoutenables, et les scènes tellement courtes que rien ne peut advenir dans le plan. Tout est pose et démonstration d'une contre-culture agréée. Les tics de John Waters côtoient ceux de la nouvelle vague, et il n'est jamais question de mise en scène. Seulement un scénario pénible de 400 coups réduits à 2 ou 3 (choses qu'on n'entendra pas d'elles), et de vague rédemption mystique. Un godemiché posé sur un poste de télévision fait office de génie provocateur.
Si on attend que Charles de Meaux se réveille, on souhaite qu'Isild Le Besco retourne se coucher.

2 commentaires:

Griffe a dit…

"Rien ne vit, tout est toc, le point de vue sur la misère condescendant, l'hypothèse religieuse atterrante, la piste cruelle téléphonée, les fondus au noir insoutenables, et les scènes tellement courtes que rien ne peut advenir dans le plan. Tout est pose et démonstration d'une contre-culture agréée."

Bravo !

T.G. a dit…

Ah ah ah... très bon sur Bas-fond.