mercredi 19 janvier 2011

Kent MacKenzie - The Exiles et quelques courts-métrages

Le travail de Kent MacKenzie est plutôt celui d’un journaliste que d’un cinéaste. Cela n’a rien de péjoratif. Kent MacKenzie est simplement un homme qui cherche des sujets que l’opinion commune ignore ou méconnaît. Il n’est ni poète ni gonzo-journaliste, il filme à sa manière, empathique et informative, d’autres vies que la sienne, d’autres problèmes, d’autres souffrances, altérant ceux de l’homme commun. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : altérer, partir à la rencontre de l’autre, tout faire pour le connaître, et donner aux spectateurs l’idée d’une autre existence possible.
Il choisit un angle : dans Rodeo Cowboy, c’est la journée de quelques champions de rodéo, entre batailles de mousse à raser au motel, considérations sur leur itinérance, et capture filmique de leurs exploits de huit secondes ; dans A skill for Molina, c’est la journée d’un homme sans emploi, père de huit enfants, reprenant des études pour devenir soudeur. Souvent, il s’agit de journées. Parfois de témoignages. Comme dans Bunker Hill, où un médecin, un pharmacien et un charpentier, parlent de leur quartier qui va être rasé et de la vie qui va disparaître alors. Ou dans Ivan and his father, où quelques jeunes gens discutent du problème relationnel que Ivan rencontre avec son père, et mettent en situation une possible réconciliation par la parole. Au début de ce court-métrage, un panneau nous demande : « si vous pouviez participer, que diriez-vous ? » Tel est l’objectif de Kent MacKenzie : faire débat.

The exiles est quant à lui construit sur le mode de « une journée avec ». En l’occurrence, une journée avec de jeunes Amérindiens vivant dans le quartier de Bunker Hill à Los Angeles.
Le film s’ouvre sur des images d’archives des Indiens d’avant les réserves. Les paysages laissent peu à peu place aux portraits. On apprend que si certains sont restés dans les réserves, d’autres sont partis se mêler aux villes. Et ce sont ces derniers que nous suivrons. Le générique annonce une bigarrure étonnante : chants indiens et barres d’immeubles. Aussitôt suivi par une scène où quelques Indiens dans un appartement écoutent de la musique américaine.
Le charme du film tient moins à ses explications, sa psychosociologie idéologiquement dirigée, qu’à sa lenteur, son évaporation progressive dans l’ivresse de la nuit. La femme se plaint d’être trop souvent seule, les hommes la laissent au cinéma et s’enfuient dans les bars et les salles de poker, avant de tous se retrouver au sommet de la colline, à chanter, boire, jouer de la musique, draguer, regarder les lumières de la ville à leurs pieds. Ils se consument mais restent dignes. Ils ne sont pas d’ici. Et cette étrangeté de leurs corps dans la masse californienne est le hiatus sur lequel repose The exiles.
Mais cette dérive lente et inspirée, filmée dans un noir et blanc parfait, est alourdie par des voix-off inutiles, ramenant le film vers ce qu’il aurait pu ne pas se contenter d’être : une étude. Voix-off convenues où l’on entend les pensées des protagonistes, pensées qui tendent à nous faire croire qu’ils sont des gens comme tout le monde. Mais tout témoigne du contraire. Et le film, au lieu de miser sur leur singularité, appuie sur la difficulté qu’ils éprouvent à s’intégrer.


L'article a été écrit pour Kinok

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