vendredi 21 janvier 2011

Le canardeur ou Thunderbolt and Lightfoot - Michael Cimino & My own private Idaho - Gus Van Sant

My own private Thunderbolt and Lightfoot

Gus Van Sant a vu Thunderbolt and Lightfoot de Michael Cimino. Il l’a vu et rêvé. Et ce rêve fut si fort que 17 ans plus tard il en a fait un film : My own private Idaho.

L’action de Thunderbolt and Lightfoot se tient dans l’Idaho. Celle du film de Gus Van Sant s’y dirige puis s’en enfuit. Ce n’est pas possible de rester là, prisonnier d’un rêve, d’un lieu si plein du rêve d’un autre. My own private Idaho n’est pas un remake, c’est un redream, une version autre d’une histoire autre. On ne reconnaît plus rien mais on reconnaît tout.

Du monde viril et hétérosexuel de Cimino, Gus Van Sant a retenu l’esquisse d’une amitié fascinée entre Clint Eastwood et Jeff Bridges, et l’a changée en histoire d’amour entre River Phoenix et Keanu Reeves. Jeff Bridges craint que Clint Eastwood ne l’abandonne après le casse qu’ils préparent : ce ne sont que quelques lignes de dialogue qui ont permis à Gus Van Sant de rêver d’une romance impossible. Les filles ont été chassées (ou presque), la drague n’est que prostitution, la drogue est apparue. Toutes les filles ? Non. Il en reste une, l’Italienne, qui, à la manière de la banque de Thunderbolt and Lightfoot, mettra fin à la dérive des deux amants, retenant Keanu Reeves auprès d'elle.

Mais c’est peut-être aussi de voir Clint Eastwood embarquer Jeff Bridges au drive-in déguisé en femme. L’occasion était trop belle de projeter là plus de désir qu’il n’y en avait. Gus Van Sant ne s’en est pas privé.

Jeff Bridges tombe, défaille, reçoit un coup puis s’effondre aussitôt, pas si viril qu’il en a l’air, grande gueule toujours un peu sonnée. Gus Van Sant a changé cette tendance à la chute en narcolpesie. River Phoenix est habité d’un mal étrange, qui à la moindre émotion le fait s’endormir où qu’il soit. Et Jeff Bridges meurt sans explication à la fin du film de Cimino, meurt comme s’il avait brûlé tout ce qu’il pouvait de vie, meurt d’émotion après avoir gagné la confiance et l’amitié de Clint Eastwood. River Phoenix meurt lui aussi. Quelque chose de l’ordre de la fulgurance les unit, au-delà de leur blondeur. Dans les deux films, on tombe, on meurt, et on ne sait pas vraiment pourquoi. Dans les deux films enfin, mourir est la condition de l’immortalité. Et c’est une immortalité pour l’autre. Puisqu’on ne peut pas l’aimer, il faudra le hanter.

Thunderbolt and Lightfoot, pourtant, est un film très léger, tenu mais presque anodin. Mais cela a suffi pour que Gus Van Sant s’en empare et livre sa version d’un Idaho d’aventuriers. Cela a peut-être à voir avec les rivières. Dans le film de Cimino, on ne cesse d’y venir et de s’y arrêter. On se soigne au bord de la rivière, on y règle ses comptes, on y prépare un mauvais coup. La rivière est toujours là, omniprésente dans le paysage, et sans doute aussi dans l’esprit des hommes. Dans un coin de leur tête, il y a toujours la possibilité d’aller à la rivière. Elle creuse des sillons que Gus Van Sant a empruntés.


1 commentaire:

Pascale M. a dit…

Merci pour cet intéressant parallèle.