24 city est une oeuvre méditative, mêlant le réel et l'imaginaire, l'intime et l'historique, le temporel et l'organique, et fluctuant des uns aux autres sur le fil d'une pensée libre et limpide.
Un plan du film résume l'ambition quasi saint-simonienne de Jia Zhang-Ke : on voit en plongée des ouvriers transportant un idéogramme, lequel servait d'enseigne à une cité industrielle. Il s'agit en effet de déplacer le langage - de se servir des transports de la langue pour couvrir le temps. L'usine 420 devient 24 city - on aura simplement inversé les chiffres, et convoqué au passage un poème chinois du XVIIème siècle (Le rêve du pavillon rouge), manière de boucler l'Histoire, de faire de la gloire de l'industrie communiste chinoise un épisode.
Un épisode, mais pas sans trace : on trouve aussi, vers la fin du film, ce plan sidérant, où l'on entend un choeur de femmes chanter l'Internationale, tandis que s'écroule à l'image l'un des bâtiments de l'usine 420. Cela aurait pu suffire, et faire lourdement sens, si Jia Zhang-Ke n'avait pas tenu la séquence jusqu'à ce que la poussière soulevée par la destruction du bâtiment envahisse tout le plan, et qu'apparaissent alors ces mots de Yeats : "Les choses que nous avons pensées ou faites / Se répandent forcément avant de disparaître / Comme du lait versé sur une pierre". Car le cinéaste ne parle pas seulement de la disparition d'un monde, mais de la survivance des hommes à travers ces mondes qui se succèdent. De la condition humaine. En posant son film au présent, et en le centrant sur l'humain, Jia Zhang-Ke parle de Chengdu, mais aussi de la Chine, et du monde en général. De tous les temps et de tous les lieux.
Avec huit témoignages (certains sont inventés, d'autres pas - tous ont été travaillés, dans une langue claire et poétique, pleine de fulgurances, de raccourcis joyeux, de gouffres émotionnels), c'est toute une Histoire de l'Homme qui traverse 24 City. Ce film est un peu l'En Avant Jeunesse de Jia Zhang-Ke : rendre l'existence d'une poignée d'êtres douce, intelligible, par le biais du langage et de l'adresse, par une circulation permanente de la pensée (d'un corps à un autre, d'une lumière à une autre, d'un temps, d'un lieu, d'un mot à un autre). La langue s'inscrit - physiquement dans l'image, trouvant des niches, des superpositions possibles, et des voix pour la porter. On a rarement vu film plus composé.
Un plan du film résume l'ambition quasi saint-simonienne de Jia Zhang-Ke : on voit en plongée des ouvriers transportant un idéogramme, lequel servait d'enseigne à une cité industrielle. Il s'agit en effet de déplacer le langage - de se servir des transports de la langue pour couvrir le temps. L'usine 420 devient 24 city - on aura simplement inversé les chiffres, et convoqué au passage un poème chinois du XVIIème siècle (Le rêve du pavillon rouge), manière de boucler l'Histoire, de faire de la gloire de l'industrie communiste chinoise un épisode.
Un épisode, mais pas sans trace : on trouve aussi, vers la fin du film, ce plan sidérant, où l'on entend un choeur de femmes chanter l'Internationale, tandis que s'écroule à l'image l'un des bâtiments de l'usine 420. Cela aurait pu suffire, et faire lourdement sens, si Jia Zhang-Ke n'avait pas tenu la séquence jusqu'à ce que la poussière soulevée par la destruction du bâtiment envahisse tout le plan, et qu'apparaissent alors ces mots de Yeats : "Les choses que nous avons pensées ou faites / Se répandent forcément avant de disparaître / Comme du lait versé sur une pierre". Car le cinéaste ne parle pas seulement de la disparition d'un monde, mais de la survivance des hommes à travers ces mondes qui se succèdent. De la condition humaine. En posant son film au présent, et en le centrant sur l'humain, Jia Zhang-Ke parle de Chengdu, mais aussi de la Chine, et du monde en général. De tous les temps et de tous les lieux.
Avec huit témoignages (certains sont inventés, d'autres pas - tous ont été travaillés, dans une langue claire et poétique, pleine de fulgurances, de raccourcis joyeux, de gouffres émotionnels), c'est toute une Histoire de l'Homme qui traverse 24 City. Ce film est un peu l'En Avant Jeunesse de Jia Zhang-Ke : rendre l'existence d'une poignée d'êtres douce, intelligible, par le biais du langage et de l'adresse, par une circulation permanente de la pensée (d'un corps à un autre, d'une lumière à une autre, d'un temps, d'un lieu, d'un mot à un autre). La langue s'inscrit - physiquement dans l'image, trouvant des niches, des superpositions possibles, et des voix pour la porter. On a rarement vu film plus composé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire