La psychanalyse par la bête a encore frappé le cinéma américain. Cet été, c’est Super 8, de JJ Abrams, qui s’y colle, où un enfant fait le deuil de sa mère en renvoyant un monstre dans une galaxie lointaine. C’est un beau film de mise en scène (l’accident du train pendant le tournage des enfants), où tout ce qui a trait au visible fonctionne – les dialogues sont plus poussifs : « c’est juste un accident », « la drogue c’est nul », « je sais que des choses terribles arrivent, mais la vie continue » - et le rythme global un peu trop enferré dans la nostalgie gluante convoquée. Retour vers le futur avait quelque chose de plus cocaïné et de moins publicitaire.
Vraiment minable, I’m still here de Casey Affleck avec Joaquin Phoenix. Ce documentaire pénible n’a pas même la force de croire en son canular. Joaquin Phoenix n’essaie pas de chanter ni d’écrire une chanson correcte. Il caricature la star reconvertie. Et si le film avait pour intention de mordre un peu dans le star-system en dénonçant sa cruauté, c’est raté, car il oppose une caricature à une autre, et l’un comme l’autre, au final, se partagent le pactole. Dégoulinades de millions de dollars sur une absence fondamentale de talent.
Plus pervers, le troisième film de Mia Hansen-Love, Un amour de jeunesse. Son premier, Tout est pardonné, m’avait laissé croire à une cinéaste. Son second, Le père de mes enfants, m’avait laissé croire à une erreur de parcours. Mais Un amour de jeunesse ne me laisse plus croire à rien. Plus que le confort vaguement truffaldien d’un cinéma français attaché aux drames et incapable de tragédie. Ici, on se suicide la porte ouverte, et on obtient le salut en s’intégrant dans la société. Le film fonctionne sur des idées qui ne s’incarnent jamais : qu’en est-il de cet amour que le titre évoque ? Le sentiment, la tourmente d'aimer, sont esquivés au profit du regret – mais que regrette-t-on ? Trop facile d’évacuer la joie. Trop facile de la résumer à quelques dialogues vite écrits, vite dits.
The murderer, de Na Hong-Jin, séduit plus par ses éclats sidérants de violence que par sa narration confuse. Beaucoup trop long et tape-à-l’œil : un épate-occidentaux boursouflé, avec une petite notice en préambule pour nous faire croire qu'on touche là à un problème de société. Problème de société = plus-value en Occident. Les Coréens l'ont bien compris.
Le journal de David Holzman, de Jim Mc Bride, s’arrête trop vite. Le film est bourré d’idées plus ou moins bonnes, mais quoi qu’il en soit bouillonnant. J’aime ces films qui donnent l’impression que quelqu’un quelque part dans le monde a creusé un tunnel et que nous sommes tenus de l’autre côté du tunnel, à observer cette personne en train de nous parler. Cette qualité d’intimité et de solitude propre à certains films. Dommage que celui-ci n’ait pas été plus persévérant, plus pugnace. Dommage qu’il se termine en coup de théâtre de film de fin d’études.
Enfin, Lourdes, de Jessica Hausner, est la vraie belle surprise de ce début d’été. Cette histoire de miracle au cœur d’un cinéma incrédule, inquisiteur, glacial, fonctionne très bien. Grâce à Sylvie Testud notamment, brillante, grâce aussi à une esthétique puissante, qui sait donner à voir un lieu, un petit groupe humain, et quelques visages isolés. Le personnage de Léa Seydoux est le moins réussi, inutilement cruel et méprisant – de même, l’envie que le miracle suscite me semble un peu plaquée et pas vraiment nécessaire, et Jessica Hausner s’y attarde un peu trop. La cinéaste se veut méchante, bunuellienne. Elle me semble plus proche de Jacques Tati que du réalisateur de Viridiana. La fin, très troublante, se serait passée de sarcasmes. Le jeu de Sylvie Testud suffit à comprendre qu’un abîme s’ouvre.
2 commentaires:
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que vous écrivez sur Un amour de jeunesse. Certes, les dialogues sont souvent creux, rien n'est vraiment incarné pleinement, mais c'est justement parce que nous ne comprenons pas ce qui est regretté par la jeune fille que le film a pour moi une certaine force. Elle est attachée à des images de son adolescente, à sa première représentation de l'amour, et n'arrive absolument pas à s'en défaire. L'écart entre son évolution, le fait qu'elle devienne adulte et les projections artificielles mais très construites de sa jeunesse n'est jamais aboli. Le fait qu'elle ne change pratiquement pas physiquement du début à la fin du film, allait pour moi en ce sens. Si son amour de jeunesse revenait dix ans plus tard, elle lui ouvrirait encore complètement les bras. Parce que les premières représentations sont souvent les plus fortes, même si elles sont vidées de toute substance.
De votre liste, je n'ai vu que le coréen, donc peu de regrets ! Mais je vais tenter "Lourdes", qui me tentait peu...
Assez d'accord avec vous sur "The Murderer", la narration confuse, le côté social à deux balles, mais sans doute un peu davantage séduit par sa violence et sa frénésie.
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