On est là plongé dans un espace et dans un temps qu'on pourrait qualifier d'organiques. C'était déjà très présent dans Serbis et Kinatay, dans le scénario, dans la manière de filmer (immersive, disons), dans le travail sur le son, et ça l'est encore plus ici dans Lola, parce que ça s'inscrit aussi plastiquement. Il y a la pluie et il y a le vent, qui font l'atmosphère palpable, pressante. Le vent qui contraint la marche, la pluie qui inonde les rues et trempe vêtements et visages. L'espace semble habité par une matière dans laquelle les personnages doivent se frayer un chemin, en la repoussant.
Ils ont des niches, des lieux, ils circulent selon différents modes de locomotion, en taxi-bus, à pied, en barque, ou en train, ils traversent des ponts, empruntent des passages, échangent de l'argent. On a le sentiment d'être dans le dessin animé Il était une fois la vie où globules blancs et globules rouges cohabitaient pour lutter ensemble contre de méchants virus. La ville est un corps, le temps en est un autre - et parfois le temps menace le corps : ainsi cette attente autour de l'enterrement, et les questions qui se posent, de décomposition et de conservation.
Le parcours des personnages est plein d'épreuves, de stations, d'arrêts momentanés, qui donnent au spectateur cette impression d'un temps contre lequel ils luttent, un temps compté, une entité présente à l'esprit de chacun et que chacun cherche à repousser. Magnifique séquence où la grand-mère, revenant de chez sa soeur avec des haricots, des canards et des oeufs, cherche à s'en délester, les marchandant avec les personnes qu'elle rencontre, pour rentrer chez elle plus facilement.
Le film est plein de moments très inspirés, qui faisaient peut-être un peu défaut dans Kinatay, tels celui de la pèche miraculeuse, gracieux, formidable rupture de ton, où la grand-mère s'absente de un temps de la veillée funèbre, s'assoit sur une chaise, et aperçoit, dans l'eau qui menace sa maison, quelques poissons. Il y a là une vraie trouée, pas seulement poétique, aussi libératrice, qui donne à la narration toute sa vérité.
Je regrette un peu plus certains moments musicaux au début, où le son de la ville s'arrête, et où le film semble se figer sur des émotions plus convenues, plus univoques. L'image hétérogène de Mendoza semble alors obéir à un seul mot d'ordre.
Ils ont des niches, des lieux, ils circulent selon différents modes de locomotion, en taxi-bus, à pied, en barque, ou en train, ils traversent des ponts, empruntent des passages, échangent de l'argent. On a le sentiment d'être dans le dessin animé Il était une fois la vie où globules blancs et globules rouges cohabitaient pour lutter ensemble contre de méchants virus. La ville est un corps, le temps en est un autre - et parfois le temps menace le corps : ainsi cette attente autour de l'enterrement, et les questions qui se posent, de décomposition et de conservation.
Le parcours des personnages est plein d'épreuves, de stations, d'arrêts momentanés, qui donnent au spectateur cette impression d'un temps contre lequel ils luttent, un temps compté, une entité présente à l'esprit de chacun et que chacun cherche à repousser. Magnifique séquence où la grand-mère, revenant de chez sa soeur avec des haricots, des canards et des oeufs, cherche à s'en délester, les marchandant avec les personnes qu'elle rencontre, pour rentrer chez elle plus facilement.
Le film est plein de moments très inspirés, qui faisaient peut-être un peu défaut dans Kinatay, tels celui de la pèche miraculeuse, gracieux, formidable rupture de ton, où la grand-mère s'absente de un temps de la veillée funèbre, s'assoit sur une chaise, et aperçoit, dans l'eau qui menace sa maison, quelques poissons. Il y a là une vraie trouée, pas seulement poétique, aussi libératrice, qui donne à la narration toute sa vérité.
Je regrette un peu plus certains moments musicaux au début, où le son de la ville s'arrête, et où le film semble se figer sur des émotions plus convenues, plus univoques. L'image hétérogène de Mendoza semble alors obéir à un seul mot d'ordre.
2 commentaires:
Je viens de le voir (enfin vu un Mendoza!).
L'irruption de la musique peut gêner un brin, effectivement, au début (la première fois, à la morgue, il me semble). En même temps, il faut bien que Mendoza la place à un moment donné puisqu'il a désiré l'utiliser de manière parcimonieuse mais de plus en plus fréquente au fil du récit, et je trouve que cela participe du beau mouvement général du film.
Enfin, son côté "organique", comme vous dites si bien, est effectivement marquant. On a l'impression d'avoir une succession de cellules ou plutôt de bulles, qui ne sont pas impénétrables mais qui peuvent fusionner au rythme des rencontres et des déplacements.
En même temps, depuis quelques jours, j'ai tendance à me méfier de ce cinéaste. Me reste en travers de la gorge ce plan sur la vieille qui a fait pipi sur ses pieds. Je trouve ça idiot. Il y a des choses, mais tellement de concessions, aussi.
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