dimanche 30 mai 2010

Copie Conforme - Abbas Kiarostami



Il y a une malédiction Binoche.
Carax met huit ans à se sortir de Mauvais Sang et des Amants du Pont-Neuf, pour réaliser son film le moins inspiré, Pola X, névrose incestueuse blafarde sur fond destroy-chic-agnèsB.
Kieslowski réalise sa trilogie la plus pompeuse (le niveau était déjà élevé), et meurt dans la foulée.
Ferrara se caricature avec Mary et ses films suivants ne sortent plus en France.
Haneke quitte l'Autriche et se prend pour Dieu.
On peut ajouter à cela Les amants du siècle de Diane Kurys, gigantesque navet.
Et Le divan à New-York de Chantal Akerman, paraît-il immonde.
Maintenant, c'est à Kiarostami qu'elle s'en prend.

L'expérience du film est celle-ci : faire parler les acteurs à des morceaux de scotch. Les morceaux de scotch sont peut-être réussis, les dialogues le sont moins. Cette dérive sentimentale qui se voudrait mystérieuse emprunte toujours les mêmes procédés, les mêmes fins, les mêmes disputes, les mêmes retournements, toujours avec la même aigreur - ce sont des personnages aigres, blasés, ayant des conversations sur l'art qu'on nous annonce comme passionnantes mais qui n'existent jamais vraiment, ayant des sentiments qui ne naissent pas à l'écran, qui ne sont que principe, direction, surplomb. A vrai dire, on pense à un film de Lelouch en moins brouillon et donc moins drôle.
Je retiens du film deux choses qui m'ont plu ou auraient pu me plaire : Binoche est une actrice incroyable, avec son visage très changeant, en petit clown du banal ; Kiarostami atteint un niveau de concision poétique absolument sidérant dans l'incarnation de certains des lieux du film (les intérieurs surtout : le chat de la galerie, le café, les platanes).
Des lieux, oui, mais c'est le premier film de Kiarostami que je vois où le temps n'existe pas. Il est dans le scénario - une journée dans la vie de deux inconnus qui se connaissent peut-être. Il est dans les dialogues - "il est 17h", "j'ai mon train à 19h, je dois rentrer"... Mais pas dans la mise en scène, jamais. Ces phrases qu'on entend, mentionnant l'heure, sont toujours surprenantes. Le temps de Copie Conforme est informe, distendu, complètement aléatoire.

Parmi les cinéastes cités plus haut, seul Ferrara n'a pas de k, lettre ou phonème. Tous les autres, oui. Est-ce un hasard ? Quels sont les prochains sur la liste de Binoche : Kassovitz et Kounen ne sont pas assez chics ; les mk2 de Marin Karmitz peuvent faire faillite ; Abderrhamane Sissako ferait bien de se méfier ; Kitano est déjà dans la merde ; Kim Ki-Duk devrait bientôt y passer ; Sokurov et Kyoshi Kurosawa rongent leur frein, leur tour viendra ; et quand au festival de Kannes, dont Binoche était l'affiche, il ferait mieux de s'arrêter tout de suite d'exister (il peut, d'ailleurs, car finir sur une telle palme, ce serait beau).

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