Ce qui me passionne chez Werner Herzog, c'est la cohérence intellectuelle de ses films. La matière de chacun est une question. Une seule, tenue jusqu'à la fin.
Coeur de verre s'ouvre sur le plan d'un homme assis, un manteau sur le dos, dans un pré, face à des vaches dans le brouillard, et sous la musique mystico-tyrollienne de Popol Vuh. C'est l'immobilité absolue, presque comique, de l'homme face au troupeau. Herzog révèle par la durée la nature boueuse, sédentaire du romantisme allemand.
Et, tout de suite, c'est la question du paysage. On entend ce mot : "crouler". Quelle place pour le regard ? pour le point du regard dans l'espace infini ? La vision est un effondrement. Voir, c'est pressentir la fin. A moins que regarder ne soit la mise à mort de l'infini.
La fin du film ne résout rien. Au contraire, elle inverse la question posée au début. Sur une île irlandaise, un homme regarde la mer. Bientôt, il est rejoint par quelques autres hommes. Et, ensemble, après l'avoir longtemps regardée, ils décident de s'y aventurer, dans leur barque minuscule, pour toucher le bord du monde. Cette fois, le corps répond à la contemplation. Le temps génère l'action. Le regard indique le risque à prendre. L'action est l'incarnation du regard, la fixation du temps.
Il est aussi beaucoup question du regard au centre du film. Les acteurs sont tous sous hypnose. Leurs gestes sont étranges, leurs voix lentes, et leurs regards absents. C'est comme s'ils ne regardaient pas. Ou comme s'ils voyaient autre chose. La question du cinéaste trouve alors une résolution plastique : dans cette fable villageoise plutôt classique (un homme est mort, seul dépositaire du secret du verre-rubis, plongeant le village dans l'inquiétude et la fébrilité ; on alterne scènes familiales et scènes collectives au travail ou au café), imposer ces corps et ces yeux, imposer ce rythme si particulier, est à la fois comique et prodigieux (parfois ennuyeux, parfois délirant, mais quand même très tendu : on sent qu'à tout moment cela pourrait dérailler).
Il y a notamment une scène magnifique. Au bar, on annonce l'incendie de la verrerie. Tout le monde se précipite vers la porte, sauf un homme, qui reste assis juste à côté de la porte, pétrifié, tenant un éventail de cartes dans sa main. Cinquante personnes l'enjambent, le poussent, le contournent - et lui, il reste là, et c'est lui que Herzog choisit de filmer. S'il y a dans la scène un élément qui contredit l'action, c'est cet élément qui fera la scène.
Coeur de verre s'ouvre sur le plan d'un homme assis, un manteau sur le dos, dans un pré, face à des vaches dans le brouillard, et sous la musique mystico-tyrollienne de Popol Vuh. C'est l'immobilité absolue, presque comique, de l'homme face au troupeau. Herzog révèle par la durée la nature boueuse, sédentaire du romantisme allemand.
Et, tout de suite, c'est la question du paysage. On entend ce mot : "crouler". Quelle place pour le regard ? pour le point du regard dans l'espace infini ? La vision est un effondrement. Voir, c'est pressentir la fin. A moins que regarder ne soit la mise à mort de l'infini.
La fin du film ne résout rien. Au contraire, elle inverse la question posée au début. Sur une île irlandaise, un homme regarde la mer. Bientôt, il est rejoint par quelques autres hommes. Et, ensemble, après l'avoir longtemps regardée, ils décident de s'y aventurer, dans leur barque minuscule, pour toucher le bord du monde. Cette fois, le corps répond à la contemplation. Le temps génère l'action. Le regard indique le risque à prendre. L'action est l'incarnation du regard, la fixation du temps.
Il est aussi beaucoup question du regard au centre du film. Les acteurs sont tous sous hypnose. Leurs gestes sont étranges, leurs voix lentes, et leurs regards absents. C'est comme s'ils ne regardaient pas. Ou comme s'ils voyaient autre chose. La question du cinéaste trouve alors une résolution plastique : dans cette fable villageoise plutôt classique (un homme est mort, seul dépositaire du secret du verre-rubis, plongeant le village dans l'inquiétude et la fébrilité ; on alterne scènes familiales et scènes collectives au travail ou au café), imposer ces corps et ces yeux, imposer ce rythme si particulier, est à la fois comique et prodigieux (parfois ennuyeux, parfois délirant, mais quand même très tendu : on sent qu'à tout moment cela pourrait dérailler).
Il y a notamment une scène magnifique. Au bar, on annonce l'incendie de la verrerie. Tout le monde se précipite vers la porte, sauf un homme, qui reste assis juste à côté de la porte, pétrifié, tenant un éventail de cartes dans sa main. Cinquante personnes l'enjambent, le poussent, le contournent - et lui, il reste là, et c'est lui que Herzog choisit de filmer. S'il y a dans la scène un élément qui contredit l'action, c'est cet élément qui fera la scène.
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