Ils ont l'âme molle. Des sentiments divins les traversent, mais leur mâchoire est en carton et leurs corps fuient les situations. Ils se défilent. Ils préfèrent rester des succubes.
Et puis, parfois, quand on entend les dialogues, on entend ça : "elle se rapprocha d'elle non parce qu'elle comprenait son geste, mais parce qu'elles étaient deux femmes." Les appareils génitaux restent entre eux. Solidarité vaginale. Les femmes se comprennent, les artistes se droguent, c'est la vie. Celle des années 70 transposée maintenant. Ca n'a plus aucun sens, aucune réalité, mais Philippe Garrel persiste à le croire. Il n'y a pas de défaut de croyance dans son film : il y a un défaut d'acuité.
Avant, quand Garrel a commencé le cinéma, il y avait des stars. Sont passées devant sa caméra Jean Seberg et Nico. Aujourd'hui, c'est Monica Bellucci. Mais la star n'est plus l'universel. Au contraire, elle est devenue une distance, un repoussoir entre le spectateur et le monde des hommes libres. Le désir est devenu de l'envie. On ne rêve pas de Monica Bellucci, on regarde ses gros seins, sa peau en plastique, et les mains ridées derrière lesquelles elle cache son visage lisse sur lequel quelqu'un a posé des cheveux qui ne vont pas.
Alors le film montre deux mondes : Monica Bellucci d'un côté, les autres acteurs de l'autre. A un moment, Céline Sallette regarde Bellucci comme si elle voyait un gouffre. A un autre moment, Bellucci parle à Louis Garrel, et si le spectateur ne comprend pas ce qu'elle dit, Louis Garrel non plus, qui grimace. A un autre moment encore, on lâche une souris dans la scène : Bellucci en profite pour jouer Phèdre. C'est trop. Mais ce n'est pas un surplus d'être : c'est simplement quelqu'un qui n'existe pas.
L'idée du film est belle : deux qui se brûlent, deux qui sont au contact de ce feu mais s'en préservent. La grande question : comment vivre avec l'absolu ?
Le problème, c'est que les deux qui doivent brûler sont plutôt glauques et semblent prendre l'eau. Quant aux deux qui vivent auprès d'eux, ils sont filmés avec beaucoup de condescendance. Dès qu'ils apparaissent à l'écran, il y a une sorte de "ces gens-là" qui envahit l'image. La peinture s'écaille, mais ils lisent des livres dans la collection blanche de Gallimard.
La première scène d'Un été brûlant condense Le vent de la nuit en trois minutes puissantes. La dernière reconvoque les fantômes de La frontière de l'aube. Une séquence de danse au milieu du film rappelle Les amants réguliers. Quoi de neuf ? Rien, mais ça continue, et ça devient un peu réactionnaire, par défaut plus que par choix : passer sous la ligne 2 du métro à Stalingrad est une aventure visiblement inédite pour Philippe Garrel, qui résume sa vision du présent à une intervention policière et à une petite phrase : "quelle merde ce Sarko", qui tombe à l'eau.
Et puis, parfois, quand on entend les dialogues, on entend ça : "elle se rapprocha d'elle non parce qu'elle comprenait son geste, mais parce qu'elles étaient deux femmes." Les appareils génitaux restent entre eux. Solidarité vaginale. Les femmes se comprennent, les artistes se droguent, c'est la vie. Celle des années 70 transposée maintenant. Ca n'a plus aucun sens, aucune réalité, mais Philippe Garrel persiste à le croire. Il n'y a pas de défaut de croyance dans son film : il y a un défaut d'acuité.
Avant, quand Garrel a commencé le cinéma, il y avait des stars. Sont passées devant sa caméra Jean Seberg et Nico. Aujourd'hui, c'est Monica Bellucci. Mais la star n'est plus l'universel. Au contraire, elle est devenue une distance, un repoussoir entre le spectateur et le monde des hommes libres. Le désir est devenu de l'envie. On ne rêve pas de Monica Bellucci, on regarde ses gros seins, sa peau en plastique, et les mains ridées derrière lesquelles elle cache son visage lisse sur lequel quelqu'un a posé des cheveux qui ne vont pas.
Alors le film montre deux mondes : Monica Bellucci d'un côté, les autres acteurs de l'autre. A un moment, Céline Sallette regarde Bellucci comme si elle voyait un gouffre. A un autre moment, Bellucci parle à Louis Garrel, et si le spectateur ne comprend pas ce qu'elle dit, Louis Garrel non plus, qui grimace. A un autre moment encore, on lâche une souris dans la scène : Bellucci en profite pour jouer Phèdre. C'est trop. Mais ce n'est pas un surplus d'être : c'est simplement quelqu'un qui n'existe pas.
L'idée du film est belle : deux qui se brûlent, deux qui sont au contact de ce feu mais s'en préservent. La grande question : comment vivre avec l'absolu ?
Le problème, c'est que les deux qui doivent brûler sont plutôt glauques et semblent prendre l'eau. Quant aux deux qui vivent auprès d'eux, ils sont filmés avec beaucoup de condescendance. Dès qu'ils apparaissent à l'écran, il y a une sorte de "ces gens-là" qui envahit l'image. La peinture s'écaille, mais ils lisent des livres dans la collection blanche de Gallimard.
La première scène d'Un été brûlant condense Le vent de la nuit en trois minutes puissantes. La dernière reconvoque les fantômes de La frontière de l'aube. Une séquence de danse au milieu du film rappelle Les amants réguliers. Quoi de neuf ? Rien, mais ça continue, et ça devient un peu réactionnaire, par défaut plus que par choix : passer sous la ligne 2 du métro à Stalingrad est une aventure visiblement inédite pour Philippe Garrel, qui résume sa vision du présent à une intervention policière et à une petite phrase : "quelle merde ce Sarko", qui tombe à l'eau.
8 commentaires:
Joli, et très juste, votre dernier paragraphe.
... le fait que ce soit sous le métro Corvisart et non Stalingrad ne vous radoucira pas, je suppose ?
Ce ne serait pas plutôt Chevaleret ?
merci Griffe !
@ azerty : Vous êtes sûr ? J'aurais juré la 2. J'hésitais entre Jaurès et Stalingrad...
En effet, Griffe, c'est plutot Chevaleret (plus de hauteur), mais c'est sûr, Rive gauche !!
Ceci étant moi aussi je voyais Stalingrad.
Mais je suis un peu triste de votre avis si "dur" pour le film, et pour Monica que je n'aimais pas comme comédienne et que je trouve ici sublime de féminité ...
La phrase "parce que c'était une femme", je la comprends, et pourtant je suis sensible sur ce type de sujet. J'aime beaucoup la scène de danse, long plan-séquence magnétique - mais je n'ai pas vu "Les amants réguliers". Je m'étonne aussi que vous trouviez le 2e couple vu de haut, mais est-ce dû au fait qu'il représente l'auteur du film lui-même, c'est Jérome Robart qui est le regard sur le couple "vedette"... Et le film est magnifiquement filmé, l'image (couleur) est très belle.
Pour le fond, cela divise, même les cinéphiles subtils. Je suis tout de même heureuse qu'un tel cinéma existe, aujourd'hui. Et ce sont malgré tout des films fragiles, malgré la supposée grande notoriété de PGarrel, car il fait toujours très peu d'entrées...
C'est ce qui me surprend le plus : c'est finalement ce personnage, Jérôme Robart, qui aurait dû permettre à Garrel de montrer autrement ce qu'il montre depuis toujours. De ça, j'étais a-priori ravi : un petit écart d'avec la passion. Mais voilà, on le voit vendre L'insurrection à des Noirs qui n'en veulent pas, on l'entend tenir des propos sur la révolution complètement à côté de la plaque, et on le retrouve complètement paniqué à l'idée que le personnage de Louis Garrel appelle la police pour faire un constat d'adultère.
Je suis heureux aussi, que ce cinéma existe, et je continuerai à aller voir les films de Garrel, mais si j'ouvre les yeux sur ce qu'il devient, je suis un peu surpris, voire déçu.
"on le voit vendre L'insurrection à des Noirs qui n'en veulent pas"
> Ah bon...?
"on l'entend tenir des propos sur la révolution complètement à côté de la plaque"
> Oui... (au moins PG ne se renie pas avec le temps ?)
"et on le retrouve complètement paniqué à l'idée que le personnage de Louis Garrel appelle la police pour faire un constat d'adultère"
> Je ne dirais pas paniqué, mais indigné qu'on puisse faire une concession, quelle qu'elle soit, à la police, l'autorité... D'autant que dans ce moment le personnage de Frédéric n'est pas à son plus brillant, mais dans la rancoeur de la rupture, et aussi il ne veut pas que sa femme puisse lui prendre son fric. Son ami s'indigne aussi de cela... Je trouve d'ailleurs Louis Garrel très juste dans cette scène.
Ravi de cette critique - merci d'avoir trouvé les mots que je cherchais...
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