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Qu'est-ce qu'on voit dans Je veux voir ? Des immeubles en permanente construction, d'autres détruits, une ville jetée à la mer (même analogie mer/mémoire que dans Valse avec Bachir), des hommes qui regardent Deneuve (des hommes du coin et des soldats). On voit Beyrouth, puis la banlieue, puis la campagne. On voit des champs dorés et des trous d'obus. Qu'est-ce qu'on entend ? Un avion israëlien volant volontairement à basse altitude et qui franchit le mur du son, des mots d'amour d'un autre film (Belle de Jour) en français puis en arabe, des frayeurs soudaines quand le chauffeur de Deneuve se trompe de route (les mines), le silence de Rabih dans son village natal. C'est le son qui surprend le plus. C'est lui qui donne aux images la réalité que Deneuve recherchait en venant au Liban. Il n'y a pas de discours, pas de dénonciation. Il y a une quotidienneté dans un paysage d'après-guerre. Et c'est l'observation de ce paysage (des mutilations de ce paysage) qui donne au film son contexte. Ainsi ces plans très larges sur les plaines et les routes, suivis de ces zooms vifs et précis sur la voiture des deux compagnons : un ensemble, puis un point de vue quasi-géométrique.
Deneuve est le prétexte d'un voyage qui autrement aurait été indécent. Comment retourner sur les lieux de la guerre sans se sentir touriste en son propre pays ? Comment inventer d'autres images, alors que le pays a été vampirisé par les reportages d'actualité ? Comment s'emparer du temps d'après l'événement ? Le film embrasse toutes ces questions, profondément beau, jamais tricheur.
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