samedi 6 décembre 2008

Ici et ailleurs - Jean-Luc Godard & Anne-Marie Miéville


En 1970, Godard et Miéville partent en Palestine et tournent un documentaire qui s'appellera Victoire. Trois mois plus tard, en septembre, presque tous les 'acteurs' du film sont morts. Quelque chose n'allait pas. La victoire que le film montrait était une idéologie, une façon de parler à la place des Palestiniens (comme les syndicats parlent à la place du peuple), un moyen de ne pas faire la révolution 'ici', de la retarder, de soumettre des corps à une voix. Très vite, on s'aperçoit que sous les mots de la victoire, il y a le présage de la mort - c'est une question d'attention. C'est le vouloir-dire contre le laisser-sourdre. Aussi les réalisateurs sont-ils revenus sur leur film et l'ont remonté, ajoutant d'autres images, celles d'une famille française regardant la télévision. Ici ET ailleurs. Ce ET de l'addition, du lien, de la séparation, de la dialectique, et de la vérité.
Godard et Miéville livrent alors une autocritique cinglante, qui vient questionner la nature-même du cinéma. Défiance vis à vis du temps et de l'espace, vis à vis du flot des images, qui, au lieu de s'ajouter, s'annulent, s'oublient. Vis à vis de l'image-même - mourir pour une image, et alors ? Ici et ailleurs dénonce le 'théâtre' de l'image, le bruit qui vient couvrir le silence, et le silence qui masque la mort. Faire un film est une responsabilité.

Ainsi cette séquence où une jeune et belle Libanaise dit qu'elle est ravie de porter un enfant, et que cet enfant grossira les rangs de la lutte armée. Cette séquence, alors présentée seule, n'est ici pas coupée. On entend Godard donner les indications ("tiens toi droite"), et la femme répéter son texte une seconde fois, inflexible. Miéville ajoute à cela un commentaire : "elle n'était pas enceinte" - le gros plan avait suffi à 'monter' la supercherie.

Pendant ce temps (ou plus tard : mais le cinéma n'est ni un espace ni UN temps), la famille française regarde la publicité, et la jeune fille monte le son pour couvrir les disputes de ses parents. Tout est question de puissance, et de défaite de l'imagination.
Ici et ailleurs enregistre un retrait, une envie d'en finir (avec la politique, avec les questions et les réponses, avec le montage, avec le cinéma, avec l'exotisme, avec le capitalisme), de se resituer.

1 commentaire:

Julie a dit…

Je trouve que ce soit triste que tous ceux qui sont apparus dans le reportage soient morts. C'est peut-être à cause des propos tenus dedans. Et cette femme qui est morte à cause d'un mensonge. Parfois, je perds vraiment la foie en l'honnêteté des journalistes. J'ai toujours l'impression que soit ils mentent, soit ils exagèrent les choses.