Le cinéma de Sergei Loznitsa est plein d’effets. J’aime ce cinéma quand l’effet ne présuppose pas la nature de la sensation, quand l’effet ouvre l’espace au lieu de le borner.
Paysage est divisé en deux parties. Dans la première, on voit, en effet, des paysages. Habités, enneigés, la caméra en fait le tour, par un mouvement panoramique incessant, depuis un cache noir jusqu’au suivant, pour sauter d’un point de vue à l’autre sans en avoir l’air. La continuité du son d’un paysage à l'autre accentue l'effet d'une continuité du plan : le spectateur a l’impression d’un cercle unique autour duquel tournent de multiples paysages, comme s’il était au centre d’un tourne-disque qui passerait successivement plusieurs disques tous très différents sans se rendre compte que quelqu’un change de disque. Ces paysages font un seul monde. On y croise des silhouettes, soit facticement immobiles, soit traversant le plan.
Puis Paysage glisse vers des visages. Il s’agit d’une foule attendant un bus. Les visages ont mangé les paysages. On ne voit plus la ville. On voit l’attente des uns et des autres. On voit le désir du départ, et le froid qui accroît l’impatience – incroyable comme Loznitsa filme le froid : la sensation traverse l’image. Dans le son s’introduisent des bribes de l’histoire de ces visages, phrases volées, mais pas au hasard, tout est très calculé, il ne s’agit que des malheurs, des misères de chacun, une compilation du pire. Les visages portent des peines toutes différentes, et partagent à la fois la peine et l’attente – d’une délivrance ?
Cette dimension allégorico-métaphysique du cinéma de Loznitsa n’est pas ce qu’il y a de plus passionnant. D’ailleurs, elle est donnée et atteinte d’emblée. Si Loznitsa en restait là, on s’ennuierait. Mais Loznitsa s’ennuierait lui aussi, et propose autre chose : peu à peu, ce sont le montage et la mise en scène qui vont prendre le pas sur le scénario et ses significations. C’est la surprise qui va jouer contre le discours. Non par une contradiction, mais par une rébellion : trois visages nous fixeront sans parole, un homme attrapera un pigeon. Et le film de révéler sa fragilité en changeant brusquement de sillon : on entend la piste fantôme, elle traverse, comme le froid, l’image.
Paysage est divisé en deux parties. Dans la première, on voit, en effet, des paysages. Habités, enneigés, la caméra en fait le tour, par un mouvement panoramique incessant, depuis un cache noir jusqu’au suivant, pour sauter d’un point de vue à l’autre sans en avoir l’air. La continuité du son d’un paysage à l'autre accentue l'effet d'une continuité du plan : le spectateur a l’impression d’un cercle unique autour duquel tournent de multiples paysages, comme s’il était au centre d’un tourne-disque qui passerait successivement plusieurs disques tous très différents sans se rendre compte que quelqu’un change de disque. Ces paysages font un seul monde. On y croise des silhouettes, soit facticement immobiles, soit traversant le plan.
Puis Paysage glisse vers des visages. Il s’agit d’une foule attendant un bus. Les visages ont mangé les paysages. On ne voit plus la ville. On voit l’attente des uns et des autres. On voit le désir du départ, et le froid qui accroît l’impatience – incroyable comme Loznitsa filme le froid : la sensation traverse l’image. Dans le son s’introduisent des bribes de l’histoire de ces visages, phrases volées, mais pas au hasard, tout est très calculé, il ne s’agit que des malheurs, des misères de chacun, une compilation du pire. Les visages portent des peines toutes différentes, et partagent à la fois la peine et l’attente – d’une délivrance ?
Cette dimension allégorico-métaphysique du cinéma de Loznitsa n’est pas ce qu’il y a de plus passionnant. D’ailleurs, elle est donnée et atteinte d’emblée. Si Loznitsa en restait là, on s’ennuierait. Mais Loznitsa s’ennuierait lui aussi, et propose autre chose : peu à peu, ce sont le montage et la mise en scène qui vont prendre le pas sur le scénario et ses significations. C’est la surprise qui va jouer contre le discours. Non par une contradiction, mais par une rébellion : trois visages nous fixeront sans parole, un homme attrapera un pigeon. Et le film de révéler sa fragilité en changeant brusquement de sillon : on entend la piste fantôme, elle traverse, comme le froid, l’image.
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