L’hirondelle et La mésange a été privé d’exploitation cinématographique parce qu’il proposait un cinéma jugé alors documentaire. Tournée en décors naturels et prenant bien le temps de montrer les paysages traversés, cette histoire d’amour et de trahison sur une péniche parcourant les canaux belges comporte une scène qui sonne comme un manifeste. Manifeste par l’absurde, puisqu’on y voit les parents célébrer les accordailles de leur fille avec leur nouvel employé en se faisant prendre en photographie dans un studio, devant une toile peinte et derrière un décor en carton. Les photographies apparaissent : l’une d’elles présente le couple de bateliers en pleine tempête sur un navire. La scène suivante montre les mêmes bateliers sur leur péniche voyant le paysage défiler. La question du cinéaste semble être la suivante : qu’auriez-vous préféré ? Car il s’agit, selon toute vraisemblance, d’une mise à plat, d’une mise en concurrence de deux cinémas, l’un ‘vrai’, l’autre ‘faux’.
C’est d’ailleurs toute l’histoire du film que de distinguer le vrai du faux – le vrai travail de la contrebande, l’amour de l’intérêt, l’honnête gars du malfrat. En effet, le jeune employé, pour devenir riche, se demande s’il ne vaudrait pas mieux faire de la contrebande ; et c’est la même question qu’André Antoine pose au cinéma : les studios ne sont-ils pas une autre forme de contrebande, de contrefaçon en tout cas ? Est-il souhaitable de devenir riche avec des films faux ? De prétendre montrer le monde et de ne jamais s’y confronter, seulement le reproduire ? Le scénario est aussi droit que la mise en scène, et sans pitié : André Antoine appréhende le paysage et y inscrit quelques figures humaines sans romantisme. Il montre, simplement, ce que l’homme fait là, touriste ou travailleur, mais de passage quoiqu’il en soit (c’est un cinéma très moral, je le devine très chrétien).
La traversée de Gand filmée depuis la péniche est un moment assez inouï d’ivresse cinématographique. Il y a la contrainte du point de vue toujours filant, jamais fixe, et suivant la trajectoire du canal, mais il y a quand même le miracle du visible. C’est un peu ça le documentaire, l’art du ‘quand même’. « J’ai ‘quand même’ pu filmer ça », semblent nous dire les images. Et, dans ce ‘quand même’, se logent les réalités d’un temps et d’un lieu. Voilà donc ce qu’on voit, mais, surtout, voilà ce qu’on peut voir de ce temps, de ce lieu, avec le cinéma. Dans un documentaire, il y a toujours deux fictions : celle du visible, et celle de l’invisible – ce qu’on ne voit pas, ce qu’on n’a pas pu voir, ce qui a été interdit, ce qui n’a pas été pensé, ce qui a été subtilisé à notre regard . Ce qu’André Antoine fait avec ce film, ce n’est rien de moins que poser une question au paysage et à l’époque, et affirmer que le cinéma est quelque chose qui s’inscrit dans le monde et a sa place en tant que pratique et pas seulement en tant que résultat – c’est affirmer, donc, la nature plus artistique qu’industrielle du cinéma.
C’est d’ailleurs toute l’histoire du film que de distinguer le vrai du faux – le vrai travail de la contrebande, l’amour de l’intérêt, l’honnête gars du malfrat. En effet, le jeune employé, pour devenir riche, se demande s’il ne vaudrait pas mieux faire de la contrebande ; et c’est la même question qu’André Antoine pose au cinéma : les studios ne sont-ils pas une autre forme de contrebande, de contrefaçon en tout cas ? Est-il souhaitable de devenir riche avec des films faux ? De prétendre montrer le monde et de ne jamais s’y confronter, seulement le reproduire ? Le scénario est aussi droit que la mise en scène, et sans pitié : André Antoine appréhende le paysage et y inscrit quelques figures humaines sans romantisme. Il montre, simplement, ce que l’homme fait là, touriste ou travailleur, mais de passage quoiqu’il en soit (c’est un cinéma très moral, je le devine très chrétien).
La traversée de Gand filmée depuis la péniche est un moment assez inouï d’ivresse cinématographique. Il y a la contrainte du point de vue toujours filant, jamais fixe, et suivant la trajectoire du canal, mais il y a quand même le miracle du visible. C’est un peu ça le documentaire, l’art du ‘quand même’. « J’ai ‘quand même’ pu filmer ça », semblent nous dire les images. Et, dans ce ‘quand même’, se logent les réalités d’un temps et d’un lieu. Voilà donc ce qu’on voit, mais, surtout, voilà ce qu’on peut voir de ce temps, de ce lieu, avec le cinéma. Dans un documentaire, il y a toujours deux fictions : celle du visible, et celle de l’invisible – ce qu’on ne voit pas, ce qu’on n’a pas pu voir, ce qui a été interdit, ce qui n’a pas été pensé, ce qui a été subtilisé à notre regard . Ce qu’André Antoine fait avec ce film, ce n’est rien de moins que poser une question au paysage et à l’époque, et affirmer que le cinéma est quelque chose qui s’inscrit dans le monde et a sa place en tant que pratique et pas seulement en tant que résultat – c’est affirmer, donc, la nature plus artistique qu’industrielle du cinéma.
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