samedi 9 juillet 2011

Blue Valentine - Derek Cianfrance

Un sandwich de réalisme avec un grosse sauce aux sentiments perdus.
Ce qu'on entend par réalisme ici : les acteurs fument des clopes. On en est là, on veut faire un film indépendant, on se bat, et qu'est-ce qu'on montre ? Des clopes.
Le film est pris dans un étau de bons sentiments masquant mal sa nullité politique. Amélie Poulain, Anna Gavalda : les vieux ont des choses à nous transmettre, les gens dans la mouise gardent la pêche, on peut mettre des couleurs dans un quotidien tout moisi. La middle-class est bien décidée à rester inoffensive et inculte. Il y a visiblement une grosse promo sur les existences merdiques au rayon Sundance.
Tout, dans Blue Valentine, est décor. Le héros est déménageur. On le voit charger et décharger des cartons à longueur de plan. Il n'y a aucun point de vue sur l'entreprise, le patron n'existe pas, les employés sont tous sympas. C'est seulement pour faire vrai, prolo, sincère, l'acteur impliqué. Et toute l'énergie du film sert à ça : faire vrai. C'est épuisant. Inerte, au final, pour ce qui aurait dû être un grand mélo cassavetesque.
Ajouter à cela un personnage féminin misérable et chargé. C'est elle qui porte toute la responsabilité du désamour (d'accord, il boit, mais elle, elle a le coeur sec, et en plus elle n'aime plus faire l'amour), cantonnée à son rôle de femme laborieuse, bonne ouvrière consciencieuse, bonne à tout faire sans joie, la morale intacte, et déçue de ne pas avoir trouvé un prince charmant à la hauteur de ses rêves de petite fille américaine.

5 commentaires:

Murielle Joudet a dit…
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Murielle Joudet a dit…

J'y ai vu pour ma part la démonstration de l'impossibilité de faire encore des comédies de remariage en 2010. Je crois que tout y est, il y a le moment du ressentiment que le couple doit apprendre à dépasser pour réinvestir et reprendre de nouveau le pari qu'à été leur couple. Au fond le film est une sorte de Voyage en Italie du XXIème siècle dont le miracle de la fin (si on interprète la fin du Rossellini comme un miracle), ne serait plus possible du fait de la médiocrité des personnages, de l'indigence de leur relation. Ils n'ont rien à se dire ni à s'apprendre et semble ne pas avoir fait du hasard de leur rencontre une nécessité, en tout cas rien dans le film ne le démontre, il n'y a qu'un quotidien écrasant qui finit de tout anesthésier, même les quelques jours qu'ils prennent pour eux. Rien de leur jeunesse n'explique pourquoi ils sont ensemble car les scènes de jeunesse ne dépassent pas le gentil flirt, la drague Sundance gentiment bizarre, et au lieu de se dire ce que le film voudrait que l'on se dise, c'est-à-dire "pourquoi s'engueulent-ils eux qui étaient si bien ensemble?", nous nous demandons "pourquoi ont-ils été un jour ensemble?". Le jeu insupportable des acteurs n'est là que pour accentuer l'autisme des deux personnages, chacun focalisé sur sa performance, ses griefs, son plaisir, son dégoût.
C'est un film qui ressemble à son époque et qui préfère ne pas s'en décoller, ne pas offrir un autre monde dans cette même époque, un film qui ne se donne pas les moyens de sauver ses personnages et qui pense qu'éviter la happy end est une ultime preuve de lucidité. (j'entendais sur France Culture les critiques se réjouir de l'absence d'une happy end)

asketoner a dit…

entièrement d'accord avec ça

Félix a dit…

Très bien vu tout ça.

DnD a dit…

Je ne me sentais pas si "implacable" en sortant du film ce soir, et j'avoue un faible de plus en plus marqué pour Michelle Williams, mais je ne peux que me trouver d'accord avec votre billet, ainsi que le long commentaire.