dimanche 4 décembre 2011

Fabrika / Factory (2004) & Northern Light (2008) - Sergei Loznitsa

FABRIKA / FACTORY (2004)

Regarder des gens effectuer un travail pénible m’a toujours paru pénible. Loznitsa essaie d’en faire quelque chose de beau. La question que j’aimerais lui poser est la suivante : pourquoi ?
De belles couleurs, de beaux cadres, et de la durée dans les plans, au service d’un truc qui ne vaut pas mieux qu’un film d’entreprise. En fait, Loznitsa a réalisé un film d’entreprise de luxe.
La différence entre Fabrika et Life, autumn, par exemple, outre le passage du noir et blanc pellicule à la couleur numérique, est que dans Fabrika, on a un cinéaste qui sait. Qui a une position. Qui a l’assurance d’un regard et d’un rapport au monde. Qui ne remet rien en jeu. Qui est incapable de rencontrer son sujet. Et on ne sait plus où est le désir.

NORTHERN LIGHT (2008)

Le film commence, comme un écho lointain à La vie moderne de Depardon, par une voiture avançant sur une route enneigée à travers la forêt, jusque dans un village où l’intérieur d’une maison et les visages et les paroles et les vies qui la peuplent nous seront montrées. Mais ici, il y a beaucoup de chiens sur la route. Le paysage est caché par la neige, hanté par les chiens, blotti dans cette lumière ni jour ni nuit du Nord, cette lumière de cinéma, cette nuit américaine, ce jour polaire. Ce début est beau comme le début d’un grand conte fantastique.
Mais, très vite, Loznitsa joue au grand cinéaste. Dans Northern Light, il abandonne toute rigueur esthétique. Les cadres flottent, les couleurs crient – ce laisser-aller ne génère rien de neuf. Loznitsa fait du pittoresque banal (ou du banal pittoresque) : « regardez comme ils vivent », dit chaque plan, inconscient de son obscénité. Tout se passe comme si le cinéaste s’adressait à un public précis, choisi par la production. Comme s’il pensait déjà à la réception du film avant même de le créer. Il abandonne le montage, il délaisse la mise en scène, il ne transforme plus le réel : c’est au spectateur de se transformer en visiteur du musée du Quai Branly. Il était temps que Loznitsa passe à la fiction (My joy) pour remettre en jeu son désir de cinéma.

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