Ne change rien, avec ce que cela implique d'inertie. Ne dérange pas trop.
Est-ce la méthode Costa, ou son sujet, qui limite le plaisir éprouvé à la vision de Ne change rien ? (Non que j'aie quoi que ce soit contre Jeanne Balibar - dans Le plaisir de chanter, de Ilan Duran-Cohen, où elle est à la fois actrice et apprentie-chanteuse, elle est formidable.)
Est-ce sa fascination pour le travail (fascination revendiquée dans le magnifique livre d'entretien glissé dans le dvd de La chambre de Vanda) ?
Balibar travaille, donc Costa la filme, et ça devrait suffire, mais ça ne suffit pas. Balibar travaille, Costa la filme au travail, et l'on voit Balibar travailler. Mais alors, la caméra de Costa serait-elle une caméra de surveillance pour employés modèles ? Ceux qui avaient un doute sont rassurés : Balibar travaille. Elle enregistre un disque léger, mais elle travaille sa légèreté. Alors ça va.
Résultat : un pastiche warholien un peu froid (mais pas glaçant), des visages nimbés, des corps se perdant dans des noirs épais après s'être brûlés aux blancs violents. Costa vise le film pop. Mais son film est si rigoureusement pop qu'il n'est plus rien.
Costa ne s'autorise aucune marge d'action. On ne le sent dans son film qu'épisodiquement. On voudrait qu'il lance un verre, crache un peu de fumée, fasse quelque chose qui nous signale sa présence et le relie à l'image. Ici, ni admiration (Straub et Huillet), ni amitié (Vanda). Rien. On ne sent rien.
On sort du film épuisé, avec cette sensation d 'avoir subi un cours de chant sans avoir chanté.
Ce n'est pas Balibar que Costa admire, c'est son travail. Ce n'est même pas son travail, mais plutôt le fait qu'elle travaille. (N'y a-t-il pas de la paresse, dans ce goût pour le travail régulier ?) Le film est une idée privée d'un corps aimable. Le film est un idéal.
Trois moments échappent à cela.
Le premier est une séquence, superbe, où Balibar est épuisée, filmée en gros plan, et répétant avec son professeur de chant hors-champ. Balibar est hors-chant. Là, quelque chose circule.
Le second est un acte de rébellion. Balibar chante quelque part au Japon. Et pour la première fois, Costa ne la filme pas. Il tourne la caméra vers ce bar où sont accoudés deux Japonais. Il s'est permis de se désintéresser de son sujet. Il ne travaille plus, il se met à vivre, à filmer comme il vit, et il garde la prise. Comme s'il venait de découvrir l'image d'un film qu'il n'aurait pas tourné.
Le troisième est le passage d'un chat dans un rayon de lumière. Les chats ont leur place dans la cosmogonie filmique de Costa : ils font l'espace, sa profondeur, son mystère (une chose poilue et zébrée ouvre soudain un oeil). Costa prend la place du chat - il les fait fuir (je me souviens de celui détalant dans En avant jeunesse). Ames rivales, car trop semblables.
Est-ce la méthode Costa, ou son sujet, qui limite le plaisir éprouvé à la vision de Ne change rien ? (Non que j'aie quoi que ce soit contre Jeanne Balibar - dans Le plaisir de chanter, de Ilan Duran-Cohen, où elle est à la fois actrice et apprentie-chanteuse, elle est formidable.)
Est-ce sa fascination pour le travail (fascination revendiquée dans le magnifique livre d'entretien glissé dans le dvd de La chambre de Vanda) ?
Balibar travaille, donc Costa la filme, et ça devrait suffire, mais ça ne suffit pas. Balibar travaille, Costa la filme au travail, et l'on voit Balibar travailler. Mais alors, la caméra de Costa serait-elle une caméra de surveillance pour employés modèles ? Ceux qui avaient un doute sont rassurés : Balibar travaille. Elle enregistre un disque léger, mais elle travaille sa légèreté. Alors ça va.
Résultat : un pastiche warholien un peu froid (mais pas glaçant), des visages nimbés, des corps se perdant dans des noirs épais après s'être brûlés aux blancs violents. Costa vise le film pop. Mais son film est si rigoureusement pop qu'il n'est plus rien.
Costa ne s'autorise aucune marge d'action. On ne le sent dans son film qu'épisodiquement. On voudrait qu'il lance un verre, crache un peu de fumée, fasse quelque chose qui nous signale sa présence et le relie à l'image. Ici, ni admiration (Straub et Huillet), ni amitié (Vanda). Rien. On ne sent rien.
On sort du film épuisé, avec cette sensation d 'avoir subi un cours de chant sans avoir chanté.
Ce n'est pas Balibar que Costa admire, c'est son travail. Ce n'est même pas son travail, mais plutôt le fait qu'elle travaille. (N'y a-t-il pas de la paresse, dans ce goût pour le travail régulier ?) Le film est une idée privée d'un corps aimable. Le film est un idéal.
Trois moments échappent à cela.
Le premier est une séquence, superbe, où Balibar est épuisée, filmée en gros plan, et répétant avec son professeur de chant hors-champ. Balibar est hors-chant. Là, quelque chose circule.
Le second est un acte de rébellion. Balibar chante quelque part au Japon. Et pour la première fois, Costa ne la filme pas. Il tourne la caméra vers ce bar où sont accoudés deux Japonais. Il s'est permis de se désintéresser de son sujet. Il ne travaille plus, il se met à vivre, à filmer comme il vit, et il garde la prise. Comme s'il venait de découvrir l'image d'un film qu'il n'aurait pas tourné.
Le troisième est le passage d'un chat dans un rayon de lumière. Les chats ont leur place dans la cosmogonie filmique de Costa : ils font l'espace, sa profondeur, son mystère (une chose poilue et zébrée ouvre soudain un oeil). Costa prend la place du chat - il les fait fuir (je me souviens de celui détalant dans En avant jeunesse). Ames rivales, car trop semblables.
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