L’exposition Nul si découvert, qui a lieu en ce moment et jusqu’au 7 août au Plateau, a la bonne idée de présenter l’un des plus beaux films de ces dernières années : Sub, de Julien Loustau, dont on peut lire sur ce blog à cette page une chronique, écrite lorsque le film était sorti à l’Entrepôt pour les 10 ans de pointligneplan.
L’exposition articule les œuvres autour des mille propositions de ce film, dont une question, majeure : qu’est-ce qu’on voit quand on ne peut pas voir ? Question qui devient vite : qu’est-ce que voir ? Dans la plupart des cas, nous sommes privés de la matière du visible, alors nous devons nous demander quelle est la matière du voir.
C’est l’occasion de retrouver cet extrait du Roma de Fellini, où, construisant un métro dans le sol de Rome, une équipe découvre des fresques anciennes, qui, au contact de l’air du XXème siècle, s’effacent sous nos yeux. Voir, ici, serait détruire, serait rompre avec l’éternité, serait faire de l’éternité un instant du visible. Voir est éternel, mais le visible n’a qu’un temps. C'est l'hypothèse fellinienne.
Dora Garcia, avec The locked room, nous montre une porte. L’écriteau nous indique qu’elle seule détient la clef de cette porte, et que dès lors que nous la forcerions, dès lors que nous verrions ce qu’il y a derrière cette porte, l’œuvre serait détruite. L’œuvre est la clôture, la privation du visible. Dans un espace public, un espace privé jette un trouble. Et ouvre tout un champ dans lequel nous pouvons projeter ce qui secrètement nous anime. Cette porte est fermée sur un espace qui paradoxalement n’appartient qu’au spectateur.
Eric Baudelaire a écrit à chacun des premiers ministres britanniques pour leur demander ce que contiennent les lettres dont eux seuls ont eu connaissance, lettres qui ne seraient dévoilées que si toute une partie du monde avait été détruite par une guerre nucléaire. Chacun des premiers ministres répond, et ce sont leurs lettres de refus que Eric Baudelaire expose. Nous ne saurons pas, mais une histoire de la gouvernance britannique de dessinera, à travers les différentes réponses et l’attention portée à la requête de l’artiste.
Alighiero Boetti a noirci (ou bleui), au stylo bille, cinq grandes toiles intulées Per filo e per segno. Toiles sur lesquelles on voit, surgies de l’ordre fou des traits de stylo bille, les 26 lettres de l’alphabet alignées, et quelques apostrophes isolées. La question de l’adresse, et celle du langage, qui agit comme un ordre posé sur un autre ordre, comme un système imprimé sur un autre. Système du langage perdu dans le système du monde.
Bas Jan Ader est trop triste pour nous dire quoi que ce soit. Il pleure sur une vidéo de trois minutes, et ne dit pas un mot. L’œuvre a pour titre I’m too sad to tell you, seule parole adressée au spectateur, interdisant tout espoir et tout autre mot. On nous prive des mots, mais on voit bien ce quelque chose qui ne va pas. On voit la peine, et seule elle compte alors. On nous prive de la parole, mais jamais du langage. Il en va de même avec le visible : on peut nous priver de lui, mais pas de voir.
On aurait pu, à cette exposition, ajouter le film The white diamond de Werner Herzog, où Herzog construit son documentaire autour d'images d'un lieu mythique qu'il décidera pendant le tournage de ne pas nous montrer. Et trouvant ainsi une manière d'organiser le monde autour d'un insu, autour d'un vide, plutôt qu'autour d'une preuve ou d'une certitude. Chacune des oeuvres présentées nous propose un monde débarrassé de la foi ou de l'hypothèse, absolument rationnel et absolument poétique.
L’exposition articule les œuvres autour des mille propositions de ce film, dont une question, majeure : qu’est-ce qu’on voit quand on ne peut pas voir ? Question qui devient vite : qu’est-ce que voir ? Dans la plupart des cas, nous sommes privés de la matière du visible, alors nous devons nous demander quelle est la matière du voir.
C’est l’occasion de retrouver cet extrait du Roma de Fellini, où, construisant un métro dans le sol de Rome, une équipe découvre des fresques anciennes, qui, au contact de l’air du XXème siècle, s’effacent sous nos yeux. Voir, ici, serait détruire, serait rompre avec l’éternité, serait faire de l’éternité un instant du visible. Voir est éternel, mais le visible n’a qu’un temps. C'est l'hypothèse fellinienne.
Dora Garcia, avec The locked room, nous montre une porte. L’écriteau nous indique qu’elle seule détient la clef de cette porte, et que dès lors que nous la forcerions, dès lors que nous verrions ce qu’il y a derrière cette porte, l’œuvre serait détruite. L’œuvre est la clôture, la privation du visible. Dans un espace public, un espace privé jette un trouble. Et ouvre tout un champ dans lequel nous pouvons projeter ce qui secrètement nous anime. Cette porte est fermée sur un espace qui paradoxalement n’appartient qu’au spectateur.
Eric Baudelaire a écrit à chacun des premiers ministres britanniques pour leur demander ce que contiennent les lettres dont eux seuls ont eu connaissance, lettres qui ne seraient dévoilées que si toute une partie du monde avait été détruite par une guerre nucléaire. Chacun des premiers ministres répond, et ce sont leurs lettres de refus que Eric Baudelaire expose. Nous ne saurons pas, mais une histoire de la gouvernance britannique de dessinera, à travers les différentes réponses et l’attention portée à la requête de l’artiste.
Alighiero Boetti a noirci (ou bleui), au stylo bille, cinq grandes toiles intulées Per filo e per segno. Toiles sur lesquelles on voit, surgies de l’ordre fou des traits de stylo bille, les 26 lettres de l’alphabet alignées, et quelques apostrophes isolées. La question de l’adresse, et celle du langage, qui agit comme un ordre posé sur un autre ordre, comme un système imprimé sur un autre. Système du langage perdu dans le système du monde.
Bas Jan Ader est trop triste pour nous dire quoi que ce soit. Il pleure sur une vidéo de trois minutes, et ne dit pas un mot. L’œuvre a pour titre I’m too sad to tell you, seule parole adressée au spectateur, interdisant tout espoir et tout autre mot. On nous prive des mots, mais on voit bien ce quelque chose qui ne va pas. On voit la peine, et seule elle compte alors. On nous prive de la parole, mais jamais du langage. Il en va de même avec le visible : on peut nous priver de lui, mais pas de voir.
On aurait pu, à cette exposition, ajouter le film The white diamond de Werner Herzog, où Herzog construit son documentaire autour d'images d'un lieu mythique qu'il décidera pendant le tournage de ne pas nous montrer. Et trouvant ainsi une manière d'organiser le monde autour d'un insu, autour d'un vide, plutôt qu'autour d'une preuve ou d'une certitude. Chacune des oeuvres présentées nous propose un monde débarrassé de la foi ou de l'hypothèse, absolument rationnel et absolument poétique.
1 commentaire:
Mille merci !
Depuis ta critique de Sub, je rêve de le voir :-)
Et en plus je découvre un musée d'art contemporain.
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