Non seulement le film est bâclé, inerte, mal écrit, filmé par-dessus la jambe, et joué par des comédiens complètement perdus, mais en plus il a ce fond réactionnaire qu’on trouve souvent dans l’oeuvre d’Ang Lee (Ice Storm en étant l’apogée moralisatrice, avec son châtiment final s’abattant sur les personnages en rut).
Outre la caricature juive complètement dénuée d’humour (la vieille agrippée à son argent, le père soumis, le bon fils), quel plaisir a-t-on à nous montrer un flic casseur de hippies prendre sur sa mobylette le héros homosexuel afin de le conduire plus rapidement au concert ? Quel plaisir, sinon un plaisir réac, à nous dire que les grands bourgeois complètement coupés des réalités terrestres sont à l’origine de Woodstock (la belle affaire…) ?
Certes, il n’y a pas, cette fois-ci, de punition contre les crimes sexuels perpétrés par la horde de jeunes échevelés (il y en avait une dans Brokeback Mountain, et elle n’est pas à considérer autrement que comme une punition – un ressort scénaristique aiguisé qui fait pleurer mémé, qui semble nous dire que l’amour est une utopie, mais qui est surtout une façon de sabrer la joie – à peine esquissée – par incapacité à l’assumer pleinement) – aucune punition dans Hotel Woodstock, si ce n’est la boue, résultat symbolique affligeant de toutes les sodomies perpétrées en ce lieu et en ce temps.
Mais il y a surtout, autour du personnage de la mère, une vraie défaite. De douce folle un peu prisonnière de clichés antisémites minables, elle devient folle irrécupérable, mal-aimable, à jamais figée dans les délires régressifs du scénariste et du réalisateur. Un plan la condamne irrémédiablement. Elle dansait sous la pluie après avoir mangé trop de space-brownies, elle est aussitôt punie : elle rampe sur le parquet, agrippée à sa cagnotte (quelques minutes avant, elle offrait des draps et des serviettes), et c’est la dernière image que nous avons d’elle. C’est un personnage qui s’éteint : où il y aurait pu y avoir intelligence, humour, et un peu d’émotion familialiste, on ne trouve que les grosses ficelles mélodramatiques (même folle, même avare, même conne à en pleurer, son mari l’aime…), et une fermeture du sens qui privent le spectateur de toute liberté.
Aussi ce film, qui s’empare d’un grand et important mouvement contestataire comme si ce n’était qu’un paysage de carte postale folklorique, s’avère être un chromo petit-bourgeois, mou du cul, qu’on croirait destiné aux électeurs de Sarah Palin. Qu’apprend-on sur Woodstock, si ce n’est qu’il y avait du fric en jeu ? L’ange du bon fils juif est une escroquerie : c’est en vérité un regard frustré, contrit, envieux qui nous est imposé en sourdine.
Et puis, ce plan furtif (l’écran est alors divisé en trois cadres différents) sur l’affiche maoïste, qu’est-ce, de la part d’un cinéaste chinois, sinon une perversité pas même assumée ? Ang Lee se tient comme larvé sous son film, et l’impression est pour le moins désagréable.
2 commentaires:
Jolie charge! Vous avez raison, ce film c'est vraiment Woodstock comme gestion d'une entreprise. Je me suis fait une réflexion semblable sur la mère et son trip aux acides, j'ai trouvé la tactique dramatique très forcée, à l'image de l'ensemble du film. Et même pas de musique....
Pas la moindre musique valable - si ce n'est l'homme d'entreprise Danny Elfman.
Woodstock vu sous l'angle d'une grosse machine commerciale, pourquoi pas ? Mais alors il fallait pousser le truc plus loin. Là, on nous dit qu'il y a de l'argent (d'où vient-il ?), et quand il y a un problème on nous dit qu'il y a des avocats... un peu facile, quand même.
Enregistrer un commentaire