Dans la salle d’Un prophète, quelques minutes avant la fin, deux filles sont parties en disant : tin, c’est tous des pédés ou quoi ?! Et, c’est vrai, c’est tous des pédés.
Le film repose intégralement sur une homosexualité non accomplie, sur une pipe qui n’a pas eu lieu. Le héros, contre un peu de shit, doit sucer un mec. Mais au moment de passer à l’acte, il sort la lame de rasoir de sa bouche et lui tranche la gorge. Comme chez Jean Genet, on tue plutôt que de sucer. Au lieu d’un filet de sperme sur la bouche du héros, c’est un filet de sang qui s’y dessine – il s’est blessé avec la lame – était-il inexpérimenté, ou bien troublé ?
Mais si chez Genet le sexe et le meurtre sont liés de façon très trouble, et l’on passe de l’un à l’autre sans jamais savoir sur quel pied danser, chez Audiard, ils sont clairement antagonistes. Plutôt que de devenir pédé, le héros devient criminel. De même, Audiard, plutôt que de faire des films gay, fait des films de gangsters. C’est une manière comme une autre de filmer des hommes entre eux. Le titre de son premier film (Regarde les hommes tomber) est explicite. Un héros très discret a sans doute beaucoup à cacher. Le reste de sa filmographie (hormis le mièvre et peu crédible Entre ses lèvres – tiens, là encore, une pipe s’est glissée dans le titre) n’en démord pas. Filmer Kassovitz, Cassel, Duris, les méchants garçons du cinéma français, et maintenant Tahar Rahim, c’est sa seule ambition, c’est son seul plaisir, c’est le seul moment où sa caméra entre en ébullition. Et surtout, les filmer aux prises avec des pères écrasants, des pères plus gangsters qu’ils ne le seront jamais, avec lesquels il faut composer – et qu’il faut parfois tuer.
Un prophète est littéralement hanté par cette pipe inaboutie. Le non-amant du jeune héros revient en fantôme, dans sa cellule, lui parler, prédire son avenir, le faire rêver. A son cou, la blessure à la lame de rasoir ne cicatrise pas – la marque du vampire est intacte et le restera à jamais. C’est le côté Cocteau du film. Ce fantôme, et aussi le long travelling sur les fenêtres des cellules où les hommes isolés se branlent tous en même temps devant un film de cul passant à la télé.
On peut voir Un prophète sous l’angle de cette homosexualité : l’Arabe est le tentateur (drogues, douches, crasse), le Corse est plus hétéro-normé (télé, Granola, pognon). Le héros ‘choisit’ d’abord le clan corse. Les murs de sa cellule sont couverts de photos de filles à poil – c’est un rempart un peu fragile, le sperme qui y sèche rongeant les pages déchirées dans les magazines. Il n’a parmi les Arabes qu’un ami, instruit, qui lui apprend à lire. Celui-ci est marié et il a un enfant. Mais il a le cancer des couilles. Serait-ce lié ?
C’est après avoir pris l’avion pour la première fois (après s’être envoyé en l’air, donc), que le jeune homme perd la boule. Au contact d’un chef de gang arabe, qui l’amène à la plage, lave le sang sur sa chemise, lui ligote les mains, lui propose d’aller se faire sucer, il change de camp, et s’affranchit du père corse trop écrasant, auquel il ne pouvait rien révéler de ses activités secrètes (le trafic de drogue, pas très au goût de Niels Arestrup). Leur rencontre est marquée d’un sacrifice : un daim percute la voiture qui les conduit au lieu de la négociation. La bête est morte et aussitôt dévorée. Ceci n’est pas une pipe.
Le film repose intégralement sur une homosexualité non accomplie, sur une pipe qui n’a pas eu lieu. Le héros, contre un peu de shit, doit sucer un mec. Mais au moment de passer à l’acte, il sort la lame de rasoir de sa bouche et lui tranche la gorge. Comme chez Jean Genet, on tue plutôt que de sucer. Au lieu d’un filet de sperme sur la bouche du héros, c’est un filet de sang qui s’y dessine – il s’est blessé avec la lame – était-il inexpérimenté, ou bien troublé ?
Mais si chez Genet le sexe et le meurtre sont liés de façon très trouble, et l’on passe de l’un à l’autre sans jamais savoir sur quel pied danser, chez Audiard, ils sont clairement antagonistes. Plutôt que de devenir pédé, le héros devient criminel. De même, Audiard, plutôt que de faire des films gay, fait des films de gangsters. C’est une manière comme une autre de filmer des hommes entre eux. Le titre de son premier film (Regarde les hommes tomber) est explicite. Un héros très discret a sans doute beaucoup à cacher. Le reste de sa filmographie (hormis le mièvre et peu crédible Entre ses lèvres – tiens, là encore, une pipe s’est glissée dans le titre) n’en démord pas. Filmer Kassovitz, Cassel, Duris, les méchants garçons du cinéma français, et maintenant Tahar Rahim, c’est sa seule ambition, c’est son seul plaisir, c’est le seul moment où sa caméra entre en ébullition. Et surtout, les filmer aux prises avec des pères écrasants, des pères plus gangsters qu’ils ne le seront jamais, avec lesquels il faut composer – et qu’il faut parfois tuer.
Un prophète est littéralement hanté par cette pipe inaboutie. Le non-amant du jeune héros revient en fantôme, dans sa cellule, lui parler, prédire son avenir, le faire rêver. A son cou, la blessure à la lame de rasoir ne cicatrise pas – la marque du vampire est intacte et le restera à jamais. C’est le côté Cocteau du film. Ce fantôme, et aussi le long travelling sur les fenêtres des cellules où les hommes isolés se branlent tous en même temps devant un film de cul passant à la télé.
On peut voir Un prophète sous l’angle de cette homosexualité : l’Arabe est le tentateur (drogues, douches, crasse), le Corse est plus hétéro-normé (télé, Granola, pognon). Le héros ‘choisit’ d’abord le clan corse. Les murs de sa cellule sont couverts de photos de filles à poil – c’est un rempart un peu fragile, le sperme qui y sèche rongeant les pages déchirées dans les magazines. Il n’a parmi les Arabes qu’un ami, instruit, qui lui apprend à lire. Celui-ci est marié et il a un enfant. Mais il a le cancer des couilles. Serait-ce lié ?
C’est après avoir pris l’avion pour la première fois (après s’être envoyé en l’air, donc), que le jeune homme perd la boule. Au contact d’un chef de gang arabe, qui l’amène à la plage, lave le sang sur sa chemise, lui ligote les mains, lui propose d’aller se faire sucer, il change de camp, et s’affranchit du père corse trop écrasant, auquel il ne pouvait rien révéler de ses activités secrètes (le trafic de drogue, pas très au goût de Niels Arestrup). Leur rencontre est marquée d’un sacrifice : un daim percute la voiture qui les conduit au lieu de la négociation. La bête est morte et aussitôt dévorée. Ceci n’est pas une pipe.
4 commentaires:
Bel article... Réminiscence de la lecture crypto-gay de Top gun par Tarantino ?
Ah non, je ne connais pas ça... Je vais chercher.
Je l'avais entendu dans diverses interviews, mais je ne savais pas qu'il y avait des images :
http://www.youtube.com/watch?v=vyN8VN4BSzM
(tiré d'un certain film de 1994: "Sleep with me").
Assez convaincant délire de soirée.
Bien vu; et très drôle!
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