jeudi 7 mai 2009

La femme sans tête - La mujer sin cabeza - Lucrecia Martel




C'est l'histoire d'une fausse blonde qui, revenant d'une réunion tupperware, percute en voiture un petit garçon. La cinéaste est l'unique détective d'une enquête qui n'aura pas lieu. La caméra, immergée en milieu bourgeois, traque les faux-semblants, le silence, l'occultation après l'accident et la fuite.
Lucrecia Martel butte contre deux écueils : sa position de juge à la fois hautaine et quand même assez fascinée (jusqu'au maniérisme vériste) par la bourgeoisie (elle esquive toujours le pamphlet - pourquoi ? - absence de choix peut-être, entre le grand amour de Cassavetes et l'oeil perfide de Bunuel) ; et la sursignifiance de chaque plan (combien de fois la cinéaste illustre-t-elle littéralement le titre de son film, la femme sans tête ?), jusqu'à écraser tout mystère, et imposer un déterminisme de classe (lequel semble être là pour se dédouaner de la fascination).
Evidemment, ce n'est pas sans talent - personne ne cadre comme elle, personne ne fait aussi vite exister un lieu avec un peu de lumière et un peu de son, personne ne sait prendre aussi facilement en charge un groupe humain, ses bizarreries comportementales. Mais il y a un problème de place. C'est embêtant, parce qu'on est parfois étourdi par quelques gestes, et l'instant d'après atterré par tant d'application bien-pensante. L'ombre antonionienne pèse lourdement sur une cinéaste qui du premier coup (La cienaga) avait su tout faire voler en éclats (elle devrait peut-être chercher une filiation plutôt du côté de Renoir). C'est rare que je reproche cela, mais c'est un cinéma trop conscient, trop intellectuel, trop mécaniquement sensoriel - en tout cas, conscience, intellectualité, et sensorialité, empiètent les uns sur les autres, et aucun n'a suffisamment d'espace pour vraiment s'y déployer.

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