vendredi 9 janvier 2009

Petit Dieter doit voler & Rescue Dawn - Werner Herzog



Petit Dieter doit voler, de Werner Herzog (1997)


Même procédé que dans Les ailes de l'espoir : un survivant raconte comment, précisément, objectivement, il a survécu.
Au programme : son avion est attaqué par les Vietnamiens, il s'écrase, l’homme s'enfuit dans la jungle, est capturé par un groupe armé, torturé, conduit jusqu'à un camp (et Dieter, né en Allemagne juste avant la guerre, venu aux Etats-Unis pour apprendre l'aviation, parlant très bien anglais, ne prononce pas 'camp' à l’américaine, mais à l’allemande, et c'est le seul germanisme qui émerge de son discours exalté), il reste dans ce camp six mois, affamé, se nourrit de vers et de souris, est trop faible pour attraper le serpent qui dort près de lui, pisse et chie à l'endroit où il dort (il n'a le droit de sortir qu'une fois par mois), monte un plan avec les autres prisonniers pour prendre d'assaut la cantine des Vietnamiens, le plan échoue, mais il parvient à s'échapper avec un prisonnier, ils marchent dans la jungle, suivent une rivière qui devrait les conduire au fleuve séparant le Vietnam du Cambodge, fabriquent un radeau, échappent de justesse à une cascade de plus de cent mètres nichée derrière un coude de la rivière, continuent à marcher, subissent la mousson, les glissements de terrain, la boue, les sangsues, sont de nouveau capturés par des villageois, le compagnon de Dieter a la tête tranchée, mais Dieter leur échappe encore, continue à descendre la rivière, est suivi par un ours, et, mourant de faim, se décourageant, attrape un serpent d'eau, le mange, et est finalement repéré par un hélicoptère américain. Il dira : "je savais que la mort ne voulait pas de moi".
La parole de Dieter est exaltée, les mots s'enchaînent à une vitesse hallucinante, et ce qui revient à chaque fois, c'est la joie d'être vivant et libre. Moins pragmatique, plus excité que l'héroïne des Ailes de l'espoir (on le voit se faisant tatouer un ciel avec une porte ouverte sur le dos), il n'en reste pas moins très concret (comment se défaire de menottes, comment faire du feu avec des bambous - et Herzog en profite au passage pour nous montrer le film d'entraînement à la survie dans la jungle présenté aux soldats, en s'en moquant bien sûr, en dénonçant son manque flagrant de réalisme et l'imagerie héroïque qui le sous-tend -, et comment il s'est échappé du camp, très précisément) – un mélange de candeur et de clairvoyance.
Il raconte aussi ce souvenir, cette scène qui lui a donné envie d'apprendre l'aviation : son village était bombardé par les Allemands, il était avec son frère à la fenêtre du grenier de sa maison, il a vu un avion foncer droit sur lui, et dans le cockpit un homme l'ayant évité de justesse - il comprend alors qu'il veut voler plus que tout au monde.
Herzog le met en scène dans son présent : il en résulte des scènes joyeuses, étranges, où on le voit ouvrir et fermer dix fois de suite la porte de sa maison avec une exaltation intense.
Le cinéaste l'embarque ensuite sur les traces de sa survie, au Vietnam. Le documentaire est passionnant, ne néglige aucun aspect de la personnalité de Dieter (sa naïveté face à la guerre, son amour pour les Américains, son humour de survie, sa détresse lors de l'évocation de son compagnon de fuite dans la jungle), et donne à entendre, encore, la parole d'un homme qui ne cesse de survivre.

Rescue Dawn, de Werner Herzog (2007)

Le pendant fictionnel hollywoodien de Petit Dieter doit voler, avec Christian Bale dans le rôle de Dieter.
C'est intéressant de voir ce que Herzog a gardé du récit réel, et ce qu'il a transformé pour la fiction. Il semble s'attacher à rendre son film le plus concret possible, et il y parvient souvent (c'est presque bressonien). Le film est littéralement porté par l'acteur, Christian Bale - ce sont une série d'instants de grâce (on le voit attraper un serpent d'eau avec les mains, mais pas comme quelqu'un qui a fait ça toute sa vie : comme quelqu'un qui doit absolument le faire pour survivre).
Malheureusement, quelques exigences hollywoodiennes restreignent la portée du film (la musique, la fin héroïque, l'ambiance des troupes vue et revue). Et surtout, Rescue Dawn se restreint à ne narrer que le temps de l'aventure de Dieter, alors que son présent (sa manière de survivre à la survie) - mais aussi l'instant juste après l'aventure, où il devait dormir dans le cockpit d'un avion pour ne pas crier la nuit - donnait au documentaire plus de champ pour la pensée.

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