Dans Sweetgrass, de Lucien Castain-Taylor et Ilisa Barbash, on suit des moutons pendant deux heures. La dernière demie-heure est belle parce qu'il s'y passe quelque chose, parce que quelque chose de l'ordre de la stridence vient briser l'objectivité plate du documentaire (tendre au monde un miroir, n'a-t-on rien de mieux à faire ?) : en effet l'un des bergers fait une grosse crise de nerfs, insultant moutons, montagnes, chien boiteux, genou mal en point, mère au téléphone, et l'univers dans son ensemble. C'est le climax du film. Sinon, c'est très laid (de beaux paysages filmés avec un mauvais caméscope : ne pouvait-on pas inventer autre chose, une autre manière de filmer ce que le Cinémascope avait déjà montré ? John Ford semble être le garant de l'objectivité documentaire de Sweetgrass.), et sans grand intérêt. En littérature on appellerait ça une description. Ce serait intégré à un ensemble plus grand. Ici, non. Il n'y a de vaste que l'horizon.
X-men First Class est un film qui emprunte la notion actuelle de réseau et qui fait de cette notion (de cette tendance du monde) son mouvement, son postulat, son origine, sa fin, sa transcendance et son immanence, sa tête et ses pieds. Tout le réseau résonne. "You're not alone", entendra-t-on. On se rassure comme on peut - la solitude serait mortelle : si je suis le seul à aimer les collants en latex ou le seul à aimer mettre ma tête dans un aquarium, puis-je survivre ? Non, disent les X-men, il faut absolument que tu te constitues un réseau d'amateurs de collants en latex et d'aquariums. Le fétichiste ne peut plus rester seul : il doit faire troupe. C'est seulement ainsi que le plaisir lié à son fétiche prendra toute son ampleur - sinon, seul, il y aura toujours la honte.
Il y a en figure de proue du film un duo assez ambigu formé par Magnéto et Professeur X. La séquence de recrutement des 'mutants' apparaît comme la compilation de quelques 'dates' assez tordues, vaguement érotiques, où les garçons vont toujours par deux dénicher les perles rares et transgenres. Séquence à la suite de laquelle Professeur X dira, ému : "tous ces esprits que j'ai touchés". J'ai regretté que le film ne creuse pas plus cet érotisme latent, préférant s'abandonner à des scènes d'action pas très réussies, brouillonnes, voire laborieuses (le type rouge qui disparaît et réapparaît où il veut rend tous les combats illisibles).
Le problème des films X-men a toujours été le même : le format "film d'action" ne permet de se concentrer que sur deux ou trois personnages, quand c'est bien l'idée de troupe qui est en jeu. On ne fait jamais qu'esquisser des portraits. Les deux heures conventionnelles peinent à proposer mieux. C'est à Jacques Rivette ou à Bela Tarr qu'il faudrait confier la réalisation d'un tel film, en les laissant libre quant à la durée du métrage. Sinon, comparé à Batman, Spiderman, Superman et autres film de super-héros, X-men sera toujours superficiel, toujours incomplet. Mais peut-être est-ce, là encore, le propos secret du film : un sentiment d'incomplétude qui nous pousserait à nous agréger, à réunir tous ces morceaux d'une identité défaillante. L'homme n'existe pas hors-réseau. Le réseau le remplace.
Pour Hanna, de Joe Wright, il y a peu de choses à dire, si ce n'est que l'extrême stylisation de l'image peine à masquer l'indigence de certains moments de mise en scène. Les personnages secondaires paraissent aussi denses que des figurants. N'est pas Tarantino qui veut. Quant aux personnages principaux, si leur violence réjouit par moments, ils finissent par se perdre dans une narration qui n'assume pas sa ligne droite de film de course-poursuite, et qui s'octroie de trop nombreuses vacances et divagations sans fondement.
Sinon, Cate Blanchett et Michael Fassbender sont des acteurs étranges. Un film qui les réunirait ne le serait pas moins.
X-men First Class est un film qui emprunte la notion actuelle de réseau et qui fait de cette notion (de cette tendance du monde) son mouvement, son postulat, son origine, sa fin, sa transcendance et son immanence, sa tête et ses pieds. Tout le réseau résonne. "You're not alone", entendra-t-on. On se rassure comme on peut - la solitude serait mortelle : si je suis le seul à aimer les collants en latex ou le seul à aimer mettre ma tête dans un aquarium, puis-je survivre ? Non, disent les X-men, il faut absolument que tu te constitues un réseau d'amateurs de collants en latex et d'aquariums. Le fétichiste ne peut plus rester seul : il doit faire troupe. C'est seulement ainsi que le plaisir lié à son fétiche prendra toute son ampleur - sinon, seul, il y aura toujours la honte.
Il y a en figure de proue du film un duo assez ambigu formé par Magnéto et Professeur X. La séquence de recrutement des 'mutants' apparaît comme la compilation de quelques 'dates' assez tordues, vaguement érotiques, où les garçons vont toujours par deux dénicher les perles rares et transgenres. Séquence à la suite de laquelle Professeur X dira, ému : "tous ces esprits que j'ai touchés". J'ai regretté que le film ne creuse pas plus cet érotisme latent, préférant s'abandonner à des scènes d'action pas très réussies, brouillonnes, voire laborieuses (le type rouge qui disparaît et réapparaît où il veut rend tous les combats illisibles).
Le problème des films X-men a toujours été le même : le format "film d'action" ne permet de se concentrer que sur deux ou trois personnages, quand c'est bien l'idée de troupe qui est en jeu. On ne fait jamais qu'esquisser des portraits. Les deux heures conventionnelles peinent à proposer mieux. C'est à Jacques Rivette ou à Bela Tarr qu'il faudrait confier la réalisation d'un tel film, en les laissant libre quant à la durée du métrage. Sinon, comparé à Batman, Spiderman, Superman et autres film de super-héros, X-men sera toujours superficiel, toujours incomplet. Mais peut-être est-ce, là encore, le propos secret du film : un sentiment d'incomplétude qui nous pousserait à nous agréger, à réunir tous ces morceaux d'une identité défaillante. L'homme n'existe pas hors-réseau. Le réseau le remplace.
Pour Hanna, de Joe Wright, il y a peu de choses à dire, si ce n'est que l'extrême stylisation de l'image peine à masquer l'indigence de certains moments de mise en scène. Les personnages secondaires paraissent aussi denses que des figurants. N'est pas Tarantino qui veut. Quant aux personnages principaux, si leur violence réjouit par moments, ils finissent par se perdre dans une narration qui n'assume pas sa ligne droite de film de course-poursuite, et qui s'octroie de trop nombreuses vacances et divagations sans fondement.
Sinon, Cate Blanchett et Michael Fassbender sont des acteurs étranges. Un film qui les réunirait ne le serait pas moins.
2 commentaires:
AAh, dommage, j'en voulais 'plus' pour Hanna (je veux dire, un texte plus 'long' ) (je trouve ça tellement plaisant de vous lire!!) mais je vais pas faire la fine bouche alors que ce que vous dites sur Xmen m'enchante :)
De toute manière, vous êtes un enchanteur, Asketoner.
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