Quatre histoires – quatre
courts-métrages – se passant au même endroit, avec les mêmes personnages, mais
sans continuité. Ce n'est pas la continuité romanesque que recherche Hong
Sang-Soo, mais le déploiement des différentes potentialités d'une même figure.
Il en résulte un film très complexe, très riche, où les personnages sont comme
des petits bouts de papier pliés en accordéon que le cinéaste détend peu à peu.
Si bien que ce qui est plat, chez Hong Sang-Soo, ne l'est jamais tout à fait :
le plat est l'occasion de voir les strates, les différents niveaux qui se
cachent derrière une figure, une existence, une personnalité.
vendredi 14 février 2014
jeudi 13 février 2014
Dutch Harbor, de Braden King et Laura Moya (2005)
Documentaire un peu fruste au
premier abord (noir et blanc 16mm, paysages à l'image et témoignages au son),
mais qui prend peu à peu une envergure inattendue - la rigueur quasiment
dogmatique laisse poindre une émotion folle, une fois qu'un certain état de
rêverie s'est instauré dans la salle qui le projette.
On s'intéresse ici à une île
aléoutienne où on pratique la pèche au crabe, et aux diverses invasions qu'elle
a connues : les natifs dont la langue s'oublie, les Russes dont les temples
sont délabrés, les Américains qui ne font pas encore de route ni de fast-food,
l'essor fulgurant de la pèche à Dutch Harbor dûe à la raréfaction du crabe dans
d'autres eaux et puis la récession : fin d'un monde, en somme, qui aura connu
tous les mondes tout en gardant visibles les traces du désert à partir duquel
il est né. On a la sensation, qu'ici, tout est transitoire. Rien n'attache. Il
y a un peu d'orthodoxie, un peu de capitalisme, un bunker, un chamane : tout,
c'est-à-dire rien. Le paysage a une telle démesure qu'il gomme toute ambition
civilisationnelle ou culturelle. C'est toujours le gros volcan blanc ou l'eau
noire qui gagnent à la fin.
Et puis il y a la musique, qui vient renforcer
cette fragilité que le film donne à voir (une fragilité qui est aussi une
fébrilité, parce qu'elle est pleine de désirs - les interviews sont très
belles, les gens n'y racontent pas leur vie, mais plutôt leur existence et leur
manière de la concevoir) : Tortoise, Will Oldham, Jim O Rourke, invités à
improviser sur les images du film, et dont les morceaux ont été recueillis de
la même manière que les témoignages des habitants d'Unalaska.
mercredi 12 février 2014
Werner Herzog eats his shoes, Les Blank (1980)
Le titre ne ment pas, Werner
Herzog mange bel et bien sa chaussure, dans ce documentaire qui n'a pas d'autre
prétention que celle de son titre-annonce.
C'est absurde, mais pas
seulement. Herzog fait cela parce qu'il l'a promis à un ami, Errol Morris, si
celui-ci réalisait son film. Or Errol Morris a réalisé son film. C'est donc un
acte d'amitié, un encouragement gaillard et jovial, de la même façon que Herzog
avait sauté sur un cactus pendant le tournage de Les Nains aussi ontcommencé petit, pour amuser ses acteurs et les encourager.
Herzog le fait également pour une autre raison, qu'il énonce à la fin du documentaire de Les Blank : les images télévisuelles et publicitaires lui semblent inadéquates ; à l'artiste de créer un langage qui ne signe pas la fin de notre civilisation. Un cinéaste qui mange sa chaussure, après l'avoir cuite, peut donc légitimement apparaître comme une de ces images adéquates renouvelant le langage et réanimant l'humanité déclinante. Ce n'est pas une blague. Herzog est très sérieux - très drôle aussi, mais très sérieux. Son cinéma n'a eu de cesse, depuis 40 ans, d'inventer ces images nouvelles, a priori absurdes (télévisuellement absurdes), que l'humanité comprend pourtant, ou pourrait comprendre, puisqu'elles laissent entrevoir la possibilité d'une autre vie.
Herzog le fait également pour une autre raison, qu'il énonce à la fin du documentaire de Les Blank : les images télévisuelles et publicitaires lui semblent inadéquates ; à l'artiste de créer un langage qui ne signe pas la fin de notre civilisation. Un cinéaste qui mange sa chaussure, après l'avoir cuite, peut donc légitimement apparaître comme une de ces images adéquates renouvelant le langage et réanimant l'humanité déclinante. Ce n'est pas une blague. Herzog est très sérieux - très drôle aussi, mais très sérieux. Son cinéma n'a eu de cesse, depuis 40 ans, d'inventer ces images nouvelles, a priori absurdes (télévisuellement absurdes), que l'humanité comprend pourtant, ou pourrait comprendre, puisqu'elles laissent entrevoir la possibilité d'une autre vie.
mardi 11 février 2014
No, Pablo Larrain
Au début du film, je me suis
souvenu de deux choses à propos de Pablo Larrain : son premier film, Tony Manero, était très maniéré, parfois
beau quand il devenait sale, mais ça ne racontait pas grand-chose ; son second
avait été fait sur des bobines qui avaient appartenu à Kubrick, et sentait
l’allégeance dévote et bête. Cela pouvait donner des indices pour comprendre
pourquoi, d'un coup, en 2013, avec No,
on se retrouvait face à un film Dogma, et qui n'aurait même pas la radicalité
des films Dogma ; c'est-à-dire un film pas cadré, pas éclairé, à l'image
atrocement baveuse.
Et puis, peu à peu, en voyant
la façon dont le cinéaste intégrait les images d'archive de la télévision
chilienne (le film a lieu en 1988, au moment du referendum auquel est contraint
Pinochet, concernant le maintien de son pouvoir), ce choix esthétique paraît de
plus en plus judicieux. Judicieux, un peu désespérant aussi, mais c'est un vrai
geste : Larrain met le cinéma au niveau de la télévision, puisque la télévision
a mis la politique au niveau de la publicité. Et le cinéaste parle bien de son
pays - lui rend justice, en somme - en n'accusant pas (par le contraste avec la
belle image du cinéma d’auteur) le kitsch des images de son enfance, mais au
contraire en pliant son cinéma aux règles esthétiques de celles-ci, pour y
introduire de la fiction, du récit, et de la mise en scène. Si bien que No n'a rien de commémoratif, ni
d'ironique. C'est une fiction politique et historique au premier degré, très
émouvante.
L'autre réussite du film,
c'est l'attention que Larrain choisit de porter à son personnage principal. Il
lui invente une histoire d'amour et de paternité qu'il mêle avec aisance au
récit historique. Il raconte aussi très bien la tension éthique à laquelle il
se trouve confronté au sein de son travail. Si bien que le personnage du
publicitaire a, pour agir, des motivations très diverses, parfois
contradictoires, et on ne sait jamais vraiment ce qui prime. Et surtout,
Larrain filme son acteur, Gael Garcia Bernal, avec une attention presque
amoureuse. On a plaisir à le suivre, à chaque plan, dans cet étrange état
auquel il se tient, entre la présence et l'absence, entre l'enfance et la
conscience, entre l'apathie et l'ivresse.
lundi 10 février 2014
Zero Dark Thirty, Kathryn Bigelow
Zero Dark Thirty est un film cathartique cancéreux, complètement
malade, bouffé jusqu'à l'os aussi bien par les idéologies dénoncées que par
celles acquises. Techniquement parfait, le film construit indubitablement une
esthétique (la fin dans la forteresse de Ben Laden est sidérante : des plans
qui tendent vers l'écran noir, d'autres passés aux filtres verts et au sein
desquels les personnages ont des rayons lasers qui leur sortent du crâne). Mais
qu'est-ce qu'il raconte ? Que l'amitié et la patrie, c'est peut-être plus
important encore que la foi ?
Et que dire, ici, des scènes
de torture ? Elles sont hallucinantes de cruauté, presque insoutenables. Au
service de quoi ? De quelques larmes versées par une jolie rousse au cœur de
pierre, exilée tel Ulysse en terrain muslim mais sans Pénélope pour l'attendre
?
Dans sa manière de mêler
l'intime (très parcimonieusement : à vrai dire Bigelow ne parle de l'intime que
pour déplorer le fait qu'il n'existe pas) et le politique, la cinéaste atteint
un degré de confusion ahurissant. Elle semble n'envisager la conscience que
comme deuil, pitié, ou retranchement. Pourtant, on voit chez elle ce qu'on ne
voit nulle part ailleurs : la lisibilité de l'action. Dommage que, derrière
cela, la pensée ait une gueule de gros flan du Texas.
jeudi 23 janvier 2014
vendredi 17 janvier 2014
jeudi 9 janvier 2014
mercredi 8 janvier 2014
mardi 31 décembre 2013
top 2013
1. L'inconnu du lac, Alain Guiraudie
2. Le dispositif, Pacôme Thiellement & Thomas Bertay
3. Inside Llewyn Davis, Joel & Ethan Coen
4. Cinq caméras brisées, Emad Burnat & Guy Davidi
5. Spring Breakers, Harmony Korine
6. 2 automnes 3 hivers, Sébastien Betbeder
7. Haewon et les hommes, Hong Sang-Soo
8. Passion, Brian de Palma
9. La fille du 14 juillet, Antonin Peretjatko
10. Frances Ha, Noah Baumbach
topless 2013
1. Jaurès, Vincent Dieutre
2. La vie d'Adèle, Abdellatif Kechiche
3. A la merveille, Terrence Malick
4. Zero Dark Thirty, Kathryn Bigelow
5. After Earth, Michael Night Shyamalan
6. La jalousie, Philippe Garrel
7. Shokuzai, Kiyoshi Kurosawa
8. Star Trek Into Darkness, JJ Abrams
9. The Master, Paul Thomas Anderson
10. Berberian Sound Studio, Peter Strickland
Libellés :
Abdellatif Kechiche,
JJ Abrams,
Kathryn Bigelow,
Kiyoshi Kurosawa,
Paul Thomas Anderson,
Peter Strickland,
Philippe Garrel,
Shyamalan,
Terence Mallick,
topless,
Vincent Dieutre
vendredi 22 novembre 2013
lundi 4 novembre 2013
mardi 22 octobre 2013
lundi 14 octobre 2013
dimanche 29 septembre 2013
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